Certains enfants en retrait de leurs pairs courent davantage de risque d'avoir des problèmes relationnels avec ceux-ci. «Pendant longtemps, on a placé dans le même panier tous les enfants qui affichaient un certain retrait social, mais la réalité est plus complexe. Ce sont les enfants qui préfèrent la solitude qui risquent davantage d'être rejetés ou victimisés par leurs pairs alors que les enfants qui sont méfiants socialement s'en tirent bien», précise Geneviève Morneau-Vaillancourt, de l'École de psychologie et du Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant.
C'est la conclusion à laquelle arrive la doctorante après avoir analysé des données recueillies auprès de 1041 enfants recrutés dans le cadre de l'Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec. Ses travaux, qui viennent de paraître dans la revue Developmental Psychology, visaient à déterminer si les enfants méfiants socialement et les enfants solitaires étaient également sujets au rejet et à la victimisation.
«Les enfants qui sont méfiants socialement expriment une sorte d'ambivalence dans un contexte de nouveauté sociale, explique-t-elle. Ils vivent un conflit entre leur désir d'aller vers l'autre et l'anxiété qu'ils éprouvent à l'idée de le faire. De leur côté, les enfants qui ont une préférence pour la solitude ne craignent pas d'interagir avec les autres et certains ont même d'excellentes compétences relationnelles. Ils n'ont tout simplement pas d'intérêt à se rapprocher des autres enfants. Ils préfèrent les activités solitaires.»
Pour évaluer les problèmes relationnels des enfants qui ont une propension au retrait social, la doctorante a fait appel à des données recueillies auprès des jeunes alors qu'ils étaient âgés de 6, 7 et 10 ans. «Le rejet par les pairs a été évalué à l'aide de photos de tous les élèves de la classe. Les jeunes devaient identifier les trois personnes avec qui ils aimaient le plus jouer et les trois personnes avec qui ils aimaient le moins jouer. Pour évaluer le degré de victimisation, on leur demandait de choisir les photos des deux personnes qui se faisaient le plus souvent crier des noms, pousser ou frapper.» La méfiance sociale et la préférence pour la solitude ont été établies à partir des réponses fournies par les pairs et par les enseignants aux questions contenues dans des tests reconnus en psychologie.
Les analyses montrent que la préférence pour la solitude augmente le risque de rejet aux trois temps de mesure et qu'elle est associée à une hausse progressive du risque de victimisation entre 6 et 10 ans. Ce patron subsiste même lorsqu'on tient compte des facteurs génétiques, ce qui suggère que c'est bien la préférence pour la solitude qui induit ces problèmes relationnels. «Pour ce qui est de la méfiance sociale, elle n'est pas associée aux difficultés avec les pairs, peut-être parce que cette attitude s'estompe avec le temps et que l'enfant finit par s'adapter», commente Geneviève Morneau-Vaillancourt.
Les interactions positives avec les pairs sont essentielles au développement socioémotif des enfants, rappelle la doctorante. «Préférer la solitude n'est pas une psychopathologie et ça ne conduit pas automatiquement au rejet et à la victimisation, mais les enfants solitaires profitent moins des apports positifs que procurent les interactions avec leurs pairs. Il faut leur porter une attention particulière afin de s'assurer qu'ils n'en souffrent pas et il faut les encourager à participer à des activités de groupe.»
Les auteurs de l'étude parue dans Developmental Psychology sont Geneviève Morneau-Vaillancourt, Célia Matte-Gagné, Ginette Dionne et Michel Boivin, de l'Université Laval, Rosa Cheesman, du King's College London, Mara Brendgen, de l'UQAM, et Frank Vitaro et Richard Tremblay, de l'Université de Montréal.