Le projet, baptisé Schola, vise la création d'une plateforme Web d'expertise et de formation en architecture scolaire. Libre d'accès, cette plateforme s'adressera aux acteurs et aux décideurs du monde scolaire québécois, notamment au personnel du service des ressources matérielles des commissions scolaires et aux architectes de la pratique privée qui interviendront dans la rénovation des écoles. L'approche des chercheurs sera fortement participative, en collaboration étroite avec les milieux concernés. Le projet s'inscrit dans une réflexion en concertation avec le MEES alors qu'une vague anticipée de chantiers de rénovation s'apprête à déferler sur le Québec.
L'endroit n'a pas été choisi au hasard pour cette annonce puisque tous les membres de l'équipe de recherche sont de l'Université Laval. Celle-ci regroupe 10 professeurs avec des expertises complémentaires. Ils proviennent de l'École d'architecture, de l'École de design et du Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage. Les entoureront des chercheurs associés, des collaborateurs, des décideurs, des étudiants, des intervenants en milieu scolaire et des experts internationaux.
«La grande majorité des quelque 2 000 écoles primaires et des 400 polyvalentes au Québec achèvent un premier cycle de vie architectural de 40 à 50 ans, explique Carole Després, professeure à l'École d'architecture et responsable du projet Schola. Ces infrastructures vieillissantes font face à plusieurs défis qui sont apparus depuis les années 1970. Par exemple, l'intégration d'élèves avec des besoins particuliers, l'essor de la culture numérique, le travail coopératif en classe et l'augmentation de la fréquentation des services de garde.»
Selon elle, il serait coûteux et peu durable de démolir ces bâtiments et de les remplacer par des infrastructures du 21e siècle. «Il faudra plutôt faire preuve d'ingéniosité pour faire meilleur usage de ces espaces, en s'appuyant sur des données de recherche crédibles et une connaissance fine du terrain et de ses acteurs, dit-elle. L'idée n'est pas de tout refaire, mais plutôt d'intervenir aux endroits où c'est nécessaire et possible. En d'autres mots, il faut agrandir par l'intérieur en améliorant à la fois la fonctionnalité et la qualité des lieux.»
Intervenir dans l'architecture de bâtiments qui ont un demi-siècle d'âge comporte son lot de contraintes. La professeure Després rappelle que l'organisation spatiale de la majorité des écoles du Québec s'inscrit dans un bâtiment rectangulaire avec un corridor central et des classes de chaque côté. «Cette structure limite certains types de rénovations, souligne-t-elle. Des classes rectangulaires, avec des murs de terracotta ou en blocs de béton, peuvent difficilement changer de configuration sans engager de grands frais.»
La plateforme Schola contiendra des outils d'aide à la décision ainsi que des contenus de formation. Des fiches informatives vulgariseront les données scientifiques sur les liens entre réussite éducative et cadre bâti. On y trouvera un guide de planification immobilière qui proposera des normes révisées pour la rénovation des écoles, les fonctions et l'organisation des locaux, le choix de mobilier, la manière d'optimiser la ventilation et la lumière naturelle, et autres choses. Un guide destiné aux enseignants donnera des trucs pour augmenter le confort des élèves en classe. La plateforme montrera aussi des prototypes de nouveaux locaux pour l'enseignement, tirés de la recherche effectuée en ce domaine au Québec comme à l'étranger.
Ces dernières années, Carole Després a mené deux importants projets de recherche sur les écoles vieillissantes du Québec. L'un de ces projets, impliquant 24 étudiants des programmes de maîtrise en architecture et en design urbain, a porté sur la requalification de trois écoles secondaires de l'agglomération de Québec ayant ouvert leurs portes en 1959, en 1969 et en 1976. Une analyse poussée a révélé que les salles de cours n'occupent que 20% de l'espace intérieur, que les aires de repas sont peu éclairées naturellement et que les classes sont mal adaptées aux nouvelles pédagogies. Le midi, les cafétérias atteignent un niveau de décibels proche de celui d'une discothèque.
«Dans les polyvalentes du Québec, le pourcentage des classes sans fenêtres est souvent important, indique Carole Després. À l'origine, ces écoles accommodaient 3 000 élèves. Aujourd'hui, c'est parfois 1 000 élèves. Il y a donc de l'espace pour aménager des salles de classe avec fenêtres et aussi pour faire autre chose qu'enseigner.»
De 2014 à 2017, grâce à un financement de l'Association québécoise de la garde scolaire, la professeure Després a pu impliquer 60 autres étudiants de la maîtrise en architecture dans une réflexion visant à mieux loger les services de garde de 6 écoles primaires et à aménager des aires de repas plus conviviales.
L'équipe Schola a déjà entrepris certaines actions. Parmi elles, mentionnons la réalisation par le professeur François Dufaux et son équipe en architecture d'une analyse statistique de la distribution chronologique et géographique des bâtiments du parc scolaire québécois.
Les professeurs André Potvin et Claude Demers, de l'École d'architecture, sont à développer avec leur équipe des outils qui serviront à des simulations informatiques d'ambiances physiques (lumineuse, acoustique, thermique, olfactive) pour des écoles types.
Sous la direction du professeur Clermont Gauthier, de la Faculté des sciences de l'éducation, des recensions d'écrits scientifiques portant sur l'influence du cadre bâti sur la réussite éducative, la santé et le bien-être sont aussi en cours.
Des étudiants à la maîtrise de l'École de design ont amorcé, avec les professeurs Caroline Gagnon et Michel De Blois, un inventaire de l'ensemble du mobilier des écoles d'une commission scolaire.
Trente étudiants à la maîtrise en architecture, sous la direction de Carole Després, ont aussi produit des rapports d'évaluation architecturale de 15 écoles primaires situées hors des grands centres urbains.
Enfin, à l'École de design, l'équipe en information et interface Web, sous la direction des professeurs Jacynthe Roberge, Éric Kavanagh et Frédéric Lépinay, a défini la structure d'information à privilégier pour la plateforme Web.
Lors du lancement du projet Schola étaient présents (assis à l'avant) Eugénie Brouillet, vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innovation, Carole Després, professeure à l'École d'architecture, Sophie D'Amours, rectrice, et Alain Rochon, doyen de la Faculté d'aménagement, d'architecture, d'art et de design. À l'arrière se trouvent des représentants du MEES, des professeurs membres de l'équipe scientifique du projet Schola, des représentantes d'organismes du réseau scolaire québécois ainsi que Fernand Gervais, doyen de la Faculté des sciences de l'éducation, et Anne Carrier, présidente de l'Association des architectes en pratique privée du Québec.
Photo: Louise Leblanc