
En 1958, Mildred et Richard Loving étaient arrêtés à leur domicile de la Virginie pour avoir contrevenu à la loi interdisant les mariages interraciaux. Neuf ans plus tard, dans la foulée de cette affaire, la Cour suprême des États-Unis abolissait les lois de ce type dans les 16 États américains où elles étaient encore en vigueur. Néanmoins, les préjugés conscients ou inconscients au sujet des unions interculturelles sont encore présents dans nos sociétés.
Même si les couples interculturels forment plus de 5% des unions au Canada, il arrive encore qu'ils fassent l'objet d'une désapprobation sociale et d'une marginalisation pouvant conduire à une déconnexion entre l'identité de couple et l'identité culturelle des partenaires. Plus cette déconnexion est grande, plus la qualité de la relation en souffre et plus le couple est fragilisé.
C'est ce que révèle une étude publiée aujourd'hui dans la revue Social Psychological and Personality Science par une équipe de chercheurs dirigée par la professeure Maya Yampolsky, de l'École de psychologie de l'Université Laval. La professeure et ses collaborateurs ont recruté 758 personnes dont le partenaire de vie était de nationalité ou d'ethnicité différente de la leur. Ils les ont questionnés sur leur identité culturelle et leur identité de couple, la fragmentation et l'intégration de ces identités, la marginalisation perçue de leur relation, leur engagement dans le couple et leur satisfaction par rapport à leur relation amoureuse.
Voici les principaux résultats qui se dégagent des analyses.
- Lorsque les répondants perçoivent une marginalisation de leur couple:
ils sentent davantage de division entre leur identité de couple et leur identité culturelle
ils ont davantage tendance à croire qu'ils doivent faire un choix entre ces identités
ils réussissent moins bien à intégrer ces identités.
- Lorsque les répondants ressentent une division de leurs identités, leur engagement dans la vie de couple est moins grand et la relation est moins satisfaisante pour les deux partenaires.
Dans les couples interculturels, la fragmentation des identités pose des défis pour le maintien et la qualité de la relation, constate la professeure Yampolsky. «Si une personne ne peut concilier son identité culturelle avec son identité de couple, elle ne peut pas être totalement elle-même avec son partenaire et sa relation amoureuse ne peut s'épanouir pleinement.»
La désapprobation sociale ne touche pas uniformément tous les couples interculturels, souligne la chercheuse. «Plus les différences sont visibles, plus les couples risquent de faire l'objet de désapprobation et de marginalisation.»
— Maya Yampolsky
Que faut-il faire pour éviter cette marginalisation? «Personne ne veut faire de mal aux autres, mais souvent, nous avons des biais ou des préjugés conscients ou inconscients à l'endroit des minorités et des couples interculturels. La première chose à faire est d'en prendre conscience et de remettre en question ces stéréotypes», suggère la professeure Yampolsky.
Par ailleurs, il ne faut pas prétendre qu'on ne voit pas les différences qui existent dans ces couples ni éviter le sujet avec les couples interculturels de notre entourage, poursuit-elle. «Par contre, en public ou dans une rencontre sociale, il ne faut pas dévisager ces couples comme s'ils étaient des extraterrestres.»
De leur côté, les partenaires d'un couple interculturel pourraient avoir des conversations franches et honnêtes sur le sujet et maintenir une bulle de solidarité qui inclurait les proches qui les soutiennent. «Il faut à tout prix éviter que l'un des membres du couple vive le problème seul de son côté», conclut la chercheuse.
Les autres auteurs de l'étude parue dans Social Psychological and Personality Science sont Alexandria West, de l'Université Duke, Biru Zhou, de l'Université McGill, et Amy Muise et Richard Lalonde, de l'Université York.