Vieillard de l’Apocalypse. C’est le nom de la statue représentant un vénérable personnage couronné et à la longue barbe, tenant à la main un instrument de musique à cordes appelé psaltérion, qui accueille le visiteur à l’entrée de l’exposition «Vingt ans après – Passé, présent et futur de l’Institut d’études anciennes et médiévales». La statue est un moulage en plâtre dont l’original du 12e siècle se trouve à la cathédrale Notre-Dame de Chartres. En cours depuis l’automne au quatrième étage de la Bibliothèque, l’exposition restera à l’affiche jusqu’au 5 avril.
«Pour les 20 ans de l’Institut, la directrice Anne-France Morand m’avait proposé de monter une exposition basée sur les riches collections de l’Université», rappelle le professeur Jean-François Gauvin, du Département des sciences historiques et titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en muséologie et mise en public. «Je trouvais pertinent que des objets des collections mettent en valeur les forces de l’Institut, dit-il, notamment par les moulages, dont nous avons une collection fantastique.»
Selon la directrice, la collaboration a très bien fonctionné. «Nous sommes très complémentaires, affirme-t-elle. La vision muséologique de Jean-François s’est très bien mariée avec les activités de l’Institut. L’exposition est une manière de donner une tridimensionnalité à nos activités.»
Une impressionnante mosaïque
L’exposition comprend un espace épuré inspiré du naos, la partie centrale du temple grec du passé. Quatre grandes toiles descendent du plafond et constituent les murs. Sur ces surfaces, des illustrations aux couleurs vives et chaudes montrent des plantes et du feuillage, des oiseaux, dont un qui prend son envol, et des fruits. On voit même un lièvre. Les teintes de rouge dominent, ainsi que le vert et le gris. Ces images sont inspirées de fresques de Pompéi, entre autres, et rappellent l’Antiquité. Des textes explicatifs recouvrent ces «murales». Au centre de cet espace empreint de sobriété se trouve une impressionnante mosaïque posée sur une base. D’origine syrienne, réalisée entre le 5e et le 6e siècle de notre ère, elle provient d’un pavement d’église chrétienne.
L’un des textes mentionne la présence, encore bien visible dans nos sociétés contemporaines, de l’héritage de l’Antiquité et du Moyen Âge. De l’origine du français ou des institutions modernes, de la valeur intemporelle des grands récits comme l’Odyssée ou l’Énéide, ou encore des échos modernes des grands penseurs et écrivains de ce lointain passé, cet héritage nous définit en tant que société. Ces civilisations conservent aussi toute leur pertinence pour les chercheurs.
Quatre moulages en plâtre faits à partir de magnifiques statues anciennes occupent le mur du fond de l’exposition. Le visiteur sera particulièrement sensible à l’expression de souffrance de l’un d’eux, ainsi qu’à l’expression de tendresse d’un père, de même qu’à l’harmonie des gestes du quotidien d’une jeune fille. Plus clairement, la très grande tête de la déesse Junon, empreinte de gravité, attire immanquablement l’attention. Laocoon, nu et attaqué par des serpents, se tord de douleur. Devant lui est placé un relief de griffon, créature légendaire formée d’attributs de l’aigle, du lion et du cheval. Nu également est le demi-dieu Sylène. Il pose un regard protecteur sur un bébé qu'il tient dans ses bras, son fils adoptif Dionysos. Enfin, la déesse Artémis est montrée de la tête aux pieds sous les traits d’une jeune fille vêtue d’une tunique et en train d’attacher son manteau sur l’épaule. Dans leur perfection, ces statues reflètent la maîtrise technique et la connaissance poussée que les sculpteurs de l’Antiquité avaient du corps humain.
Deux vitrines mettent en valeur des livres écrits par des professeurs membres de l’Institut ainsi que des mémoires et thèses réalisés à l’Institut par des étudiants. Mentionnons, parmi les livres, Antiquité critique et modernité – Essai sur le rôle de la pensée critique en Occident, un ouvrage réalisé par le professeur Jean-Marc Narbonne, de la Faculté de philosophie.
Dans cette exposition, un buste de la déesse Athéna côtoie celui d’Homère. Sur une table, une petite tablette en terre cuite gravée de caractères cunéiformes, datée de plus de 2000 ans avant Jésus-Christ, est placée non loin d’une épée en bronze découverte à Chypre et datée entre 1900 et 1800 avant notre ère. Un évangéliaire du 12e siècle ouvert donne accès à un texte manuscrit en grec ancien. Enfin, deux statuettes en plâtre montrent deux pleurants sculptés au 15e siècle. Les encadrent deux vitraux français datés du 13e siècle.
L’attrait de l’altérité
Les études anciennes et médiévales connaissent un regain de popularité. «Les cours de mythologie ont souvent plus de 100 étudiants; il en va de même des cours d’histoire antique ou médiévales, souligne Anne-France Morand. Les cours de langues grecque et latine ont de bons groupes d’initiation, comme le cours de latin, qui comporte 70 étudiants. Beaucoup d’étudiants qui suivent des cours de langues ou de civilisation proviennent de facultés et départements divers. Si certaines langues sont suivies par des groupes plus restreints, l’aspect important à souligner est la richesse de l’offre, soit six à sept langues anciennes. Certaines formations sont d’ailleurs proposées en ligne, ce qui permet de toucher un public plus large.»
Cette popularité, la directrice l’explique par l’attrait de l’altérité, l’ouverture sur le monde et la capacité à s’abstraire de la courte vue de l’immédiateté pour s’ouvrir à d’autres façons de penser et d’agir, fondées sur une formation en sciences humaines exigeante. «J’ajouterais, dit-elle, la richesse de ce qui est proposé et le fort sentiment d’appartenance des étudiants à l’Institut.»
Fondé en 1999, axé vers l’interdisciplinarité, l’Institut offre un cadre d’étude et de recherche stimulant, au croisement de la littérature, de l’histoire, de l’archéologie, de la philosophie et des sciences des religions. Son programme contient une variété de cours, unique au Canada, sur les civilisations et les langues anciennes, dont le latin, le copte et le sanscrit.