
Des bactériophages prennent d'assaut une bactérie. Heureusement pour elle, la nature l'a dotée de mécanismes de défense qui ciblent le matériel génétique de ses envahisseurs.
— Graham Beards
La principale menace qui plane sur les bactéries provient des bactériophages, rappelle le professeur Moineau. Ces virus larguent leur matériel génétique à l'intérieur de leur hôte et ils utilisent sa machinerie cellulaire pour se reproduire. Il s'agit d'un problème de taille étant donné que les bactériophages sont les entités biologiques les plus abondantes sur notre planète, rappelle le chercheur. «La contamination des cultures par les bactériophages entraîne des problèmes de qualité dans les entreprises qui ont recours à des procédés de fermentation, notamment l'industrie fromagère», précise-t-il.
Pour détruire cet ADN viral, les bactéries font appel à deux systèmes de défense. Le premier est un système de restriction-modification découvert au début des années 1950. Il fait appel à des enzymes qui scindent l'ADN étranger à des points correspondant à une séquence donnée. Le second est appelé CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats). Il s'agit de segments d’ADN composés de séquences répétitives, séparées par des séquences non répétitives appelées espaceurs. En 2007, l'équipe du professeur Moineau avait démontré que les bactéries acquièrent de nouveaux espaceurs à même le matériel génétique des bactériophages auxquels elles sont confrontées. Les espaceurs ainsi acquis leur confèrent une résistance contre ces mêmes envahisseurs.
Chaque mécanisme présente des faiblesses que les phages exploitent pour mener à bien leur dessein. Le professeur Moineau et ses collaborateurs Marie-Ève Dupuis, Manuela Villion et Alfonso Magadán viennent toutefois de découvrir que les deux systèmes peuvent conjuguer leurs forces pour augmenter la résistance des bactéries. Leurs travaux, publiés dans Nature Communications, suggèrent que l'action combinée de ces mécanismes de protection réduit énormément la probabilité qu'un phage parvienne à ses fins.
«Il existe à l'état naturel des bactéries qui possèdent à la fois un système de restriction-modification et de CRISPR, mais pour les besoins de l'étude nous avons créé une souche de bactérie lactique qui combine les deux mécanismes, précise le chercheur. Les entreprises peuvent s'inspirer de nos travaux pour sélectionner des souches qui possèderont elles aussi cette double protection.»