Vous êtes mère de famille, vous êtes sur le marché du travail et vous ressentez une détresse psychologique élevée? Il y a fort à parier que le gros du problème soit attribuable à certaines caractéristiques de votre emploi. C'est ce que suggère une étude publiée dans l'American Journal of Industrial Medicine par Mahée Gilbert-Ouimet, Chantal Brisson et Michel Vézina, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Cette équipe a suivi pendant cinq ans un groupe d'environ 1100 femmes qui occupaient un emploi de col blanc dans le secteur public. Les participantes avaient des responsabilités familiales qui étaient soit élevées (31 % des cas), intermédiaires (42%) ou faibles (23 %). «Le niveau de responsabilités a été établi à partir du nombre d'enfants dans la famille, de l'âge de ces enfants et de la part des tâches liées aux enfants et aux travaux domestiques assumée par les participantes», résume Mahée Gilbert-Ouimet, maintenant professeure à l’UQAR.
Les chercheurs ont évalué le niveau de détresse psychologique des participantes au début de l'étude, après trois ans et après cinq ans. De plus, ils ont caractérisé différents stresseurs propres à l’emploi occupé par ces femmes. Au terme du suivi de cinq ans, les données révèlent que:
le fait d'avoir des responsabilités familiales élevées n'augmente pas la prévalence de la détresse psychologique;
la prévalence de la détresse psychologique est environ 50% plus élevée chez les femmes qui occupent un emploi caractérisé soit par une demande psychologique élevée et une faible latitude décisionnelle ou encore par un déséquilibre effort-reconnaissance;
la combinaison de responsabilités familiales élevées et de stresseurs professionnels importants augmente la prévalence de la détresse psychologique, mais ce sont les facteurs liés à l'emploi qui contribuent le plus à cet effet.
Rappelons que la détresse psychologique est fortement associée à la dépression, une maladie qui frappe deux fois plus souvent les femmes que les hommes. «Dans notre étude, les facteurs de risque qui contribuent le plus à la détresse psychologique sont liés à l'organisation du travail et ils sont modifiables, signale la professeure Gilbert-Ouimet. Par exemple, on peut instaurer des mesures de soutien, de respect, de rémunération et de promotion pour corriger le déséquilibre effort-reconnaissance. On peut aussi donner davantage de latitude décisionnelle au personnel et favoriser le développement des compétences. Ces approches ont donné des résultats probants dans les milieux de travail où elles ont été implantées.»
Cela dit, l'étude ne doit pas servir de prétexte pour maintenir le statu quo lorsque le partage des tâches domestiques est inéquitable, souligne-t-elle. Les études montrent qu'en moyenne les femmes consacrent deux fois plus d'heures que les hommes à ces tâches. Dans une étude antérieure, la chercheuse et ses collaborateurs avaient montré que les femmes qui combinaient stress au travail et responsabilités familiales importantes avaient une pression artérielle plus élevée, ce qui risquait de se répercuter sur leur santé physique. «La parité dans les tâches familiales est souhaitable dans la mesure où les deux conjoints se réalisent et sont heureux de la formule de partage qu'ils appliquent», conclut la professeure Gilbert-Ouimet.