Les chercheurs ont recruté 295 techniciens ambulanciers, de toutes les régions du Québec, qui ont accepté de répondre à 44 questions liées à leur travail et à leur vie personnelle. L'analyse de leurs réponses indique que 98% des hommes et 89% des femmes présentent au moins un facteur de risque de maladie cardiovasculaire.
L'embonpoint (indice de masse corporelle > 25) est l'un des facteurs de risque les plus courants chez les techniciens ambulanciers: il touche 79% des hommes et 37% des femmes. La prévalence du problème augmente en fonction du nombre d'années de service, peu importe le sexe. Ainsi, le pourcentage d'hommes affichant un surplus de poids passe de 36% chez ceux ayant moins de 10 ans de service à 90% chez ceux qui ont plus de 20 ans d'ancienneté. La prise de poids au fil des ans serait plus importante chez les techniciens ambulanciers que dans les autres corps d'emploi ou que dans la population du Québec. Le stress au travail pourrait être lié au taux élevé d'embonpoint dans ce groupe de travailleurs étant donné qu'il stimule l'appétit et peut entraîner une désinhibition alimentaire.
D'ailleurs, 90% des répondants estiment que leur travail les soumet à un stress important. La principale source de stress proviendrait de la charge de travail et du déséquilibre entre les efforts déployés et la valorisation de leur travail. «Ce déséquilibre est le résultat d'une interaction entre les efforts extrinsèques, par exemple les responsabilités au travail et la contrainte de faire des heures supplémentaires, et la reconnaissance du technicien ambulancier paramédic pour son travail, notamment le respect et l'estime en fonction de son investissement ainsi que la rémunération. Dans leur cas, ce sont les efforts extrinsèques excessifs qui provoquent le débalancement et non le manque de reconnaissance», précise le responsable de l'étude, Philippe Corbeil.
Enfin, les chercheurs ont noté que le nombre de facteurs de risque cardiovasculaire augmente en fonction du nombre d'années de service. Le pourcentage de techniciens ambulanciers masculins ayant au moins deux facteurs de risque est de 19% chez ceux qui sont en emploi depuis 9 ans ou moins et de 39% chez ceux qui ont plus de 20 ans d'expérience.
Les habitudes personnelles et les caractéristiques du travail semblent donc s'unir pour créer un environnement néfaste pour la santé cardiovasculaire des techniciens ambulanciers. Pour changer les choses, Philippe Corbeil propose d'intervenir sur deux plans. D'abord, sur le plan individuel, il serait souhaitable d'instaurer des programmes de sensibilisation aux bonnes habitudes de vie. Pour ce qui est de l'environnement de travail, le professeur suggère de travailler de concert avec tous les acteurs d'un milieu donné pour identifier des pistes d'action concrètes. «Cela pourrait se traduire par une diminution des efforts extrinsèques, en ajustant la charge de travail et les horaires, par exemple. On pourrait aussi améliorer le soutien social en aménageant du temps et des espaces d'échanges pour ventiler, maintenir un haut niveau de reconnaissance et de latitude décisionnelle, ajuster les salaires ou améliorer les relations interprofessionnelles.»
L'étude publiée dans l'International Archives of Occupational and Environmental Health est signée par Sandrine Hegg-Deloye, Patrice Brassard, Jérôme Prairie, Dominique Larouche, Angelo Tremblay et Philippe Corbeil, du Département de kinésiologie, Nathalie Jauvin, du Département de réadaptation, et Paul Poirier, de la Faculté de pharmacie.