Sur le thème «Stress et satisfaction des soignants en soins palliatifs», cette journée a permis à Lise Fillion de rappeler les principales conclusions des projets SATIN 1 et 2, réalisés sous sa supervision entre 2007 et 2016. Au Québec, à l'exception de quelques établissements comme la Maison Michel-Sarrazin, les soins palliatifs sont intégrés aux unités de soins intensifs des hôpitaux. «Les infirmières qui y travaillent sont placées dans une situation difficile où elles doivent à la fois prodiguer des soins critiques pour sauver des vies et accompagner des personnes mourantes et leur famille. Dans le milieu des soins intensifs, la mort est souvent perçue comme un échec», a rappelé la professeure Fillion.
En raison de leur charge de travail élevée et des priorités établies par leurs gestionnaires, les infirmières ne peuvent pas toujours se consacrer aux soins palliatifs comme elles le souhaiteraient. «Elles sont parfois empêchées de faire ce qu'elles estiment être bien pour les patients et elles doivent aller à l'encontre de leurs valeurs, ce qui peut entraîner une souffrance éthique conduisant au désengagement, à l'épuisement de compassion et au burnout.» À l'opposé, les infirmières estiment qu'il y a aussi de grandes satisfactions associées au travail en soins palliatifs, surtout lorsqu'elles parviennent à soulager la douleur des patients et à bien accompagner les malades et leurs proches. L'impression de faire partie d'une équipe qui les soutient et qui leur donne de l'espace pour permettre l'accompagnement contribue aussi à leur satisfaction et à leur engagement au travail.
Dans le cadre de SATIN 2, quatre équipes ont mené des projets de recherche-intervention en milieu clinique afin de soutenir les soignants dans l'implantation d'une approche palliative au sein de leur unité. «Pour plusieurs, les soins palliatifs sont l'affaire d'une équipe dévouée qui arrive tard dans le parcours d'un patient, mais ça pourrait être autre chose, fait valoir le responsable de l'un de ces projets, Jean-François Desbiens, de la Faculté des sciences infirmières. Les soins palliatifs pourraient interpeller tous les soignants et ils pourraient se traduire par une préoccupation constante du bien-être physique et émotionnel des malades. Plusieurs études ont montré les bienfaits des soins palliatifs lorsqu'ils sont offerts tôt dans la trajectoire du patient.»
L'équipe dirigée par le professeur Desbiens a mené un projet pilote en ce sens dans une clinique pour personnes atteintes du cancer du poumon à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval. «Souvent, le cancer du poumon est déjà avancé au moment du diagnostic et 80% des patients n'en guériront pas. Notre projet consistait à implanter, dans cette clinique, une approche de soins palliatifs dès l'annonce du diagnostic. Dans cette intervention, nous avons utilisé le terme "soins de soutien" plutôt que "soins palliatifs" parce qu'il fait moins peur aux patients, aux familles et aux soignants.»
Le bilan? L'intervention a été appréciée, mais elle s'est soldée par un demi-succès, reconnaît le professeur Desbiens. «L'approche palliative est difficile à intégrer dans le roulement quotidien des soins en raison de la charge et du rythme de travail des soignants. Elle exige du temps, des ressources, de la collaboration et un appui constant des gestionnaires.» Le chercheur estime toutefois que l'expérience est loin d'être un échec. «L'intervention a favorisé les échanges entre les soignants et les plus intéressés veulent continuer le travail qui a été amorcé. Je crois que la stratégie des petits pas nous permettra de faire avancer les choses.»