Une étude menée dans les jours qui ont suivi le début du confinement a mis en lumière des comportements alimentaires inquiétants chez les étudiants universitaires. En effet, les risques d'accès d'hyperphagie et de restriction alimentaire ont augmenté pendant cette période marquée par le stress et l'incertitude. C'est ce que révèlent les travaux d'une équipe internationale publiés dans le Journal of Behavioral Addictions.
Précisons que cette étude a été menée auprès de 5738 étudiants de premier cycle inscrits dans quatre universités françaises. «Il n'y a pas de raison de croire que les conclusions de notre recherche auraient été différentes au Québec. Le contexte était similaire et la fermeture des universités a été vécue de la même façon», souligne l'un des auteurs principaux de cet article, Sylvain Iceta, psychiatre spécialisé en troubles alimentaires et stagiaire postdoctoral à l'École de nutrition de l'Université Laval et au Centre de recherche de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
En raison de la pandémie et du confinement, les étudiants universitaires, tout comme le reste de la population, ont vécu un contexte de grande incertitude, un isolement social et une baisse de la pratique d'activités physiques, tous des facteurs qui se répercutent sur le niveau de stress et sur l'humeur et qui peuvent influencer les comportements alimentaires. À cela s'ajoute l'utilisation accrue des réseaux sociaux et des plateformes de visioconférence, qui peuvent exacerber les préoccupations entourant l'image corporelle.
«Ce qui distingue les étudiants universitaires du reste de la population est qu'ils sont dans le groupe d'âge le plus à risque pour les troubles alimentaires, précise Sylvain Iceta. Le pic d'apparition des cas d'anorexie se situe entre 18 et 21 ans. Celui de l'hyperphagie boulimique survient entre 22 et 23 ans.»
Les étudiants qui ont participé à l'étude devaient répondre à des questions portant sur leurs comportements alimentaires pendant les 7 premiers jours de confinement et sur leur intention d'adopter certains comportements alimentaires dans les 15 jours suivants.
L'analyse des réponses a conduit aux constats suivants:
Dans les 7 premiers jours de confinement, le risque d'accès d'hyperphagie et le risque de restriction alimentaire étaient respectivement 12% et 17% plus élevés chez les répondants rapportant un niveau de stress plus élevé en raison du confinement
Le risque d'accès d'hyperphagie et le risque de restriction alimentaire dans les 15 jours à venir étaient respectivement 33% et 12% plus élevés chez les répondants vivant un niveau de stress plus élevé en raison du confinement
Une exposition élevée aux nouvelles touchant la COVID-19 était associée à une hausse de 20% du risque d'hyperphagie
«Plus on est inquiet, plus on cherche de l'information. Plus on est exposé à cette information, plus on stresse et plus les comportements alimentaires sont affectés», explique le postdoctorant. Paradoxalement, un niveau d'inquiétude élevé par rapport à la COVID-19 elle-même n'avait pas d'effet sur les comportements alimentaires.
Ces résultats, qui reflètent la situation en début de pandémie, seraient-ils différents aujourd'hui? «Pour en être certain, il faudrait réaliser une phase 2 de l'étude. Par contre, on sait qu'avec le début de la deuxième vague, l'insécurité et l'incertitude que l'on a vécues il y a six mois sont de retour et les gens se réexposent davantage à l'information médiatique sur la pandémie», constate Sylvain Iceta.
Les responsables de la santé publique, des universités et des collèges ont un message à retirer de cette étude, poursuit-il. «Il faut porter une attention particulière aux jeunes qui sont dans le groupe d'âge le plus à risque de troubles alimentaires. Il faut s'assurer de bien communiquer avec eux et de leur rappeler les services d'aide qui leur sont offerts.»