Les plantes utilisent différentes stratégies pour croître, survivre et se reproduire. Par exemple, quand vient l'automne, la plupart des arbres de nos forêts se départissent de leurs feuilles, alors que tous les résineux, à l'exception du mélèze, conservent leurs aiguilles. Les traits fonctionnels de ce type sont au cœur des travaux de chercheurs qui tentent de comprendre les mécanismes qui gouvernent l'évolution des plantes, leurs interactions et le fonctionnement des écosystèmes. Une équipe internationale de chercheurs dont fait partie la professeure Alison Munson, de l'Université Laval, vient de réaliser une percée importante dans ce domaine. Les détails de cette étude sont présentés dans un article qui illustre la une de l'édition du 30 septembre de la revue Nature.
L'étude des traits fonctionnels s'intéresse aux stratégies déployées par une espèce végétale pour assurer la captation de la lumière, de l'eau, des minéraux et des nutriments et l'allocation de ces ressources entre ses différentes composantes – feuilles, tiges, racines, fleurs et fruits –, à différents temps de sa vie et sous diverses conditions environnementales. Comme les personnes qui jouent à la bourse, certaines espèces misent sur une stratégie visant un rendement rapide. À l'autre extrémité du spectre, des espèces visent le rendement à long terme. Peu importe où une espèce se situe sur ce continuum, la théorie voudrait que ses feuilles et ses racines, des structures qui ont pour fonction de capter les ressources de l'environnement, adoptent une stratégie cohérente, mais est-ce bien le cas?
Pour en avoir le cœur net, la professeure Munson, du Département des sciences du bois et de la forêt et du Centre d'étude de la forêt, et ses collaborateurs de l'Université de Tartu, en Estonie, et de l'Université nationale de Cordoba, en Argentine, ont eu recours à deux grandes banques de données pour comparer 301 espèces pour lesquelles les traits fonctionnels des feuilles et des racines étaient disponibles. Résultats? «Il y a parfois concordance, mais dans la plupart des cas, les traits fonctionnels des feuilles ne révèlent pas grand-chose sur ceux des racines et vice versa», résume la chercheuse.
«Ces résultats sont surprenants, admet-elle, mais on peut suggérer une explication logique. Les racines et les feuilles se trouvent dans des milieux bien différents et elles sont soumises à des pressions sélectives qui leur sont propres. Par exemple, les feuilles sont davantage exposées aux attaques des herbivores, au feu, au gel, au verglas et à tous les autres effets directs du climat. Les agents de perturbation souterrains sont différents.»
Même si les travaux sur les traits fonctionnels des plantes sont d'abord d'intérêt fondamental, ils livrent des enseignements qui peuvent avoir des retombées pratiques, souligne la chercheuse. «Dans mon laboratoire, nous faisons appel aux traits fonctionnels pour comprendre les interactions entre les plantes dans des systèmes agroforestiers en Afrique. Nous utilisons aussi cette approche pour déterminer les meilleures combinaisons de plantes dans les nouveaux aménagements végétaux des villes de Québec et de Montréal.»
Ce type de recherche peut aussi servir à améliorer la précision de modèles globaux, notamment celui sur le cycle du carbone, ce qui permet de mieux prédire la réponse des plantes aux changements climatiques projetés. «Les traits fonctionnels nous renseignent sur les mécanismes évolutifs qui ont conduit à la diversité végétale que nous connaissons aujourd'hui. Ils nous aident à comprendre le passé et à prédire l'avenir des écosystèmes dans un monde en changement.»