
Deux désinfectants testés par les chercheurs sont parvenus à éliminer jusqu'à 90% des virus présents dans l'air d'une chambre expérimentale.
— PiccoloNamek
«De nombreux virus se retrouvent en suspension dans l'air, précise la professeure du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique qui mène ses recherches à l'Institut universitaire en cardiologie et en pneumologie de Québec – Université Laval (IUCPQ-UL). Certains de ces virus nécessitent un contact direct pour se transmettre, mais d'autres, notamment les virus de la rougeole et de la varicelle et probablement celui de la grippe, peuvent entrer dans l'organisme par les voies respiratoires et causer des infections. Nous avons voulu déterminer si des désinfectants utilisés pour détruire les microorganismes sur les surfaces pouvaient également éliminer les virus en suspension dans l'air.»
Pour éviter les risques d'infection, les chercheurs ont réalisé leurs tests sur des bactériophages. «Ces virus se développent dans des bactéries, ils sont plus faciles à cultiver que les virus pathogènes et ils sont inoffensifs pour les humains, précise la professeure Duchaine. Leurs acides nucléiques et leurs caractéristiques physiques sont toutefois très similaires.» Aux fins de l'expérience, quatre espèces de bactériophages ont été mises en suspension dans une chambre expérimentale conçue et construite par l'équipe de Caroline Duchaine. À tour de rôle, quatre désinfectants en aérosol ont été vaporisés dans cette enceinte. Il s'agit du Mist, un produit commercial qui prétend éliminer les microorganismes dans l'habitacle des autos, du Pledge, un désinfectant commercial pour surfaces, du peroxyde d'hydrogène, un désinfectant couramment utilisé dans le domaine médical, et de l'eugénol, un composé naturel présent dans certaines huiles essentielles et dans des produits antiseptiques employés en dentisterie.
Les analyses des chercheurs indiquent que l'efficacité de ces désinfectants varie grandement en fonction de l'espèce de bactériophage, de l'humidité relative de l'enceinte et de la durée d'exposition. Elles révèlent aussi que deux produits se démarquent du lot: après 1 heure d'exposition, le Pledge et l'eugénol sont parvenus à éliminer jusqu'à 90% des virus des quatre espèces testées. «Nous ignorons quel est le mode d'action de ces produits, mais notre étude montre qu'il est possible de réduire la charge virale de l'air d'une pièce en faisant appel à des désinfectants en aérosol», résume la professeure Duchaine.
Combinée au nettoyage des surfaces, cette désinfection aérienne pourrait donc être envisagée pour juguler les infections dans des milieux fermés, croit la chercheuse. «Il reste encore à prouver l'efficacité de cette avenue pour les virus humains et à établir à quelles concentrations on peut détruire ces virus sans produire d'effets négatifs sur la santé humaine. Si on y parvient, cette mesure pourrait être appliquée en milieu hospitalier, mais aussi dans les centres de la petite enfance ou dans les écoles aux prises avec des infections transmises par voie aérienne.»
L'étude parue dans PLOS ONE est signée par Nathalie Turgeon, Kevin Michel et Caroline Duchaine, de l'IUCPQ-UL et du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, par Sylvain Moineau, du même département, et par Thi-Lan Ha et Enric Robine, du Centre scientifique et technique du bâtiment de France.