
— Pierre Coupel
«Cette importante conférence sera la version internationale de la réunion annuelle scientifique d'ArcticNet, le réseau de centres d'excellence du Canada chargé d'étudier les répercussions des changements climatiques et de la modernisation dans l'Arctique canadien côtier, explique Louis Fortier. Le congrès réunit chercheurs et utilisateurs de la recherche. Ils viennent de partout, se connaissent pour la plupart et ont déjà interagi entre eux. Pendant une semaine, les échanges scientifiques et ceux sur la mobilisation de la science seront intenses.»
Louis Fortier est professeur au Département de biologie. Il est également le directeur scientifique du réseau ArcticNet et le directeur de la science et de l'innovation de l'Institut nordique du Québec (INQ). Il fait partie du comité organisateur international d'Arctic Change 2017. Près d'une vingtaine d'experts de l'Arctique composent ce comité. Plusieurs représentent des pays situés loin du Grand Nord, comme l'Allemagne, la Corée du Sud et même l'Australie.
«Une telle représentation internationale, dit-il, s'explique par le fait que la transformation climatique et économique de l'Arctique en cours modifie l'approche géopolitique de nombreux pays quant à cette région de plus en plus stratégique. On assiste à une explosion de la recherche sur l'Arctique dans le monde. Les nations veulent améliorer leur compréhension de la réalité arctique actuelle pour cerner les défis et les possibilités en émergence et établir des politiques qui s'appuient sur la meilleure information possible.»
La recherche nordique est une réalité familière à l'Université Laval depuis des décennies. Thierry Rodon, professeur au Département de science politique, s'intéresse au Nunavut, un immense territoire du Nord du Canada, depuis de nombreuses années. Durant Arctic Change 2017, il prononcera une conférence sur la région comprise entre la baie de Baffin et le détroit de Davis, entre l'est du Nunavut et la partie ouest du Groenland. Il présentera les moteurs du changement dans ces régions, lesquels sont aussi influencés par le développement de nouvelles structures de gouvernance. Le contenu de l'exposé, auquel deux autres chercheurs ont contribué, doit paraître sous peu dans un rapport publié par l'Arctic Monitoring and Assessment Program, un des groupes de travail du Conseil de l'Arctique.
Thierry Rodon rappelle que les deux régions jouissent d'une forme d'autonomie politique, depuis 1979 pour le Groenland et depuis 1999 pour le Nunavut. «On sent de part et d'autre une tendance claire vers une augmentation de l'autonomie, affirme-t-il. Ces gouvernements régionaux deviennent de plus en plus des acteurs clés du développement.»
L'inuktitut, la langue du Nunavut, et le kakaallisut, celle du Groenland, sont assez proches sur le plan linguistique. «Si la langue du Groenland a évolué pour prendre en compte les réalités contemporaines, indique le professeur, celle du Nunavut reste plus traditionnelle, et on assiste à une érosion inquiétante de l'inuktitut chez les jeunes du Nunavut.»
Dans ces régions où le climat se réchauffe rapidement, l'économie extractive, notamment le secteur minier, est vue par plusieurs comme un facteur favorisant le développement sociétal. Or, le maintien des activités de subsistance comme la chasse, la pêche et la cueillette de petits fruits demeure important. «L'économie de subsistance et celle basée sur le travail salarié sont complémentaires et se soutiennent l'une l'autre, explique Thierry Rodon. Une partie importante de la population arctique demeure attachée aux activités traditionnelles en raison de l'accès à un immense territoire de ressources. Le maintien de ces activités contribue aussi à la vitalité de la culture. Cela dit, la tension entre les deux formes d'économie est susceptible d'augmenter au fur et à mesure que l'exploitation des ressources non renouvelables affectera les environnements locaux.»
Plus d'information sur Arctic Change 2017
David G. Barber, docteur honoris causa ès sciences
Durant la Conférence internationale Arctic Change 2017, l'Université Laval décernera un doctorat honorifique ès sciences au scientifique et expert de l'Arctique, David G. Barber. Ce professeur du Département de l'environnement et de géographie à l'Université du Manitoba est étroitement associé à la banquise arctique depuis plus de 30 ans.
«Durant un emploi d'été avec Pêches et Océans Canada, raconte-t-il, je me suis retrouvé dans le Haut-Arctique à travailler sur la pêche expérimentale du hareng du Pacifique. Ce fut une expérience mémorable. Je suis tombé en amour avec tout ce qui se rapporte à l'Arctique et j'ai décidé de faire carrière dans la recherche sur cette région.»
David G. Barber a produit plus de 240 articles scientifiques et dirigé plus de 100 jeunes chercheurs. Il a mis sur pied et dirigé plusieurs projets de recherche arctique, dont le projet CFL-IPY impliquant plus de 300 chercheurs de 25 pays. Il a aussi joué un rôle clé dans le développement et la mise en œuvre de grandes initiatives de recherche menées par l'Université Laval, notamment ArcticNet et le brise-glace de recherche canadien NGCC Amundsen. David G. Barber a été l'un des premiers scientifiques à comprendre que les changements observés dans les glaces marines arctiques étaient plus dramatiques et plus compliqués que ce que l'on croyait. Le fait de diriger le Centre for Earth Observation Science, l'un des plus importants groupes de recherche sur les glaces marines au monde, est pour lui un motif de fierté. «L'un des faits saillants de ma carrière, souligne-t-il, est d'avoir contribué à la formation d'un réseau multidisciplinaire qui a permis au Canada de retrouver son rôle de chef de file en recherche sur l'Arctique. La contribution de l'Université Laval dans ce dossier a été déterminante.»