
L'airelle rouge est l'une des plantes nordiques dont les fruits contiennent des polyphénols produisant des effets bénéfiques sur la santé métabolique de souris obèses.
— Jonas Bergsten
L'équipe de chercheurs de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels et du Centre de recherche de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval a testé l'effet de polyphénols extraits de cinq petits fruits nordiques sur des souris soumises à un régime riche en sucres et en graisses. Les extraits provenant de la chicouté, de la busserole alpine et de l'airelle rouge ont amélioré la sensibilité à l'insuline, réduit l'accumulation de triglycérides dans le foie et favorisé l'élimination de l'excès d'insuline dans le sang de ces souris.
L'hyperinsulinémie chronique contribue de façon sournoise à l'obésité et à ses complications métaboliques, rappelle le responsable de l'étude, André Marette, professeur à la Faculté de médecine. «Une alimentation riche en sucres et en graisses entraîne une résistance à l'insuline. Cette condition, qui peut conduire au diabète de type 2, force le pancréas à produire plus d'insuline pour faire entrer le glucose à l'intérieur des cellules, ce qui favorise l'accumulation de graisses dans le tissu adipeux et dans le foie. Les extraits de baies arctiques que nous avons testées permettent au foie de métaboliser l'excès d'insuline qui circule dans le sang et de rétablir la sensibilité du foie à l'insuline.»
Les chercheurs croient que les polyphénols exerceraient leurs effets positifs sur la santé métabolique en agissant sur le microbiote intestinal. En effet, une mauvaise alimentation favoriserait certains microorganismes qui perturbent la barrière intestinale, laissant passer dans le sang des endotoxines qui causent une inflammation systémique de faible intensité; ce désordre serait à l'origine de la résistance à l'insuline. Les polyphénols aideraient à contrer le problème en favorisant les microorganismes bénéfiques et en restaurant l'intégrité de la barrière intestinale. «Ce n'est peut-être pas le seul mécanisme en cause, mais il est clair qu'en rétablissant le microbiote intestinal et l'intégrité de l'intestin, nous avons amélioré l'axe intestin-foie et favorisé une fonction hépatique plus normale chez les souris obèses», résume le professeur Marette.
Si les résultats de cette étude étaient confirmés chez l'humain, les personnes obèses qui affichent une résistance à l'insuline et des taux d'insuline anormalement élevés pourraient profiter de la prise d'extraits de petits fruits nordiques. La quantité de polyphénols utilisée dans l'étude équivaut, pour un adulte de poids moyen, à moins d'une tasse de baies fraîches par jour. «À cette dose, les effets obtenus sur le taux de triglycérides et sur la sensibilité à l'insuline s'approchent de ce que l'on obtient avec certains médicaments», signale André Marette.
«Ces baies font partie de la tradition des peuples autochtones et nous souhaitons qu'elles continuent d'être consommées par les populations nordiques qui vivent actuellement des changements importants dans l'offre alimentaire, souligne le chercheur. Éventuellement, il faudrait augmenter suffisamment la production de ces petits fruits nordiques pour que les populations du Sud puissent aussi profiter de leurs vertus.»
Les auteurs de l'étude publiée dans Diabetologia sont Fernando Anhê, Thibault Varin, Mélanie Le Barz, Geneviève Pilon, Stéphanie Dudonné, Jocelyn Trottier, Philippe St-Pierre, Michel Lucas, Mélanie Lemire, Éric Dewailly (décédé depuis), Olivier Barbier, Yves Desjardins, Denis Roy et André Marette, de l'Université Laval, et Cory Harris, de l'Université d'Ottawa. Les auteurs dédient leur article à Éric Dewailly, une figure de proue de la recherche en santé environnementale dans les régions circumpolaires. L'étude a été financée par ArcticNet, les IRSC, la Fondation J. A. DeSève et Sentinelle Nord.