14 novembre 2025
Césarienne: un appel à reconsidérer la technique de fermeture de l'utérus
Afin de réduire les nombreuses séquelles à long terme de cette intervention, deux spécialistes proposent de recourir à une approche qui respecte la structure naturelle de cet organe

Plusieurs complications graves peuvent survenir lors d'une grossesse subséquente à un accouchement par césarienne. Parmi ces problèmes, mentionnons l'attachement anormal du placenta à l'utérus, la rupture utérine et l'accouchement prématuré.
— Bianca de Blok
La technique la plus répandue dans le monde pour refermer l'utérus après une césarienne entraîne tellement de complications à long terme qu'il est grand temps de la remettre en question, estiment deux spécialistes mondiaux en obstétrique-gynécologie. Dans un numéro spécial de l'American Journal of Obsterics & Gynecology consacré à la césarienne, les deux scientifiques plaident en faveur du remplacement de l'approche courante par une technique de fermeture qui respecte l'organisation anatomique naturelle de l'utérus.
Dans leur article, Emmanuel Bujold, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, et son collègue, Roberto Romero, chef de la Perinatal Research Branch du National Institutes of Health des États-Unis, dressent la liste des complications à long terme associées aux césariennes ainsi que leur incidence selon diverses études.
Parmi les séquelles qui peuvent survenir lors d'un accouchement subséquent, mentionnons l'attachement anormal du placenta à l'utérus (jusqu'à 6% des femmes) qui augmente le risque d'hémorragie grave et d'hystérectomie, la rupture utérine (jusqu'à 3%) qui peut conduire à la mort du nouveau-né et l'accouchement prématuré (jusqu'à 28%). La santé des femmes peut aussi en souffrir. Mentionnons les douleurs pelviennes (jusqu'à 35%), les saignements postmenstruels (jusqu'à 33%) ainsi que l'endométriose et l’adénomyose (jusqu'à 43%).
La technique utilisée depuis une cinquantaine d'années pour refermer l'utérus après une césarienne consiste à pratiquer des sutures qui traversent et réunissent la muqueuse utérine et les muscles qui l'entourent, rappelle le professeur Bujold. «C'est une méthode qui a l'avantage d'être simple et rapide, ce qui limite les saignements chez la mère. C'est sans doute pourquoi elle a été largement adoptée par les gynécologues-obstétriciens.»
Par contre, le tissu cicatriciel produit par ce type de fermeture ne permet pas de restaurer l'intégrité anatomique et fonctionnelle de l'utérus, constate le professeur Bujold. «Lorsqu'on s'arrête pour y penser, ce n'est pas étonnant. Par exemple, si une personne a une lacération de la joue, on ne la referme pas en suturant ensemble la muqueuse buccale, les muscles et la peau. Il n'y a pas de raison de le faire avec l'utérus.»
La technique de fermeture proposée par les professeurs Bujold et Romero consiste à suturer ensemble les tissus de même nature. Ainsi, la couche musculaire de l'utérus est suturée à deux endroits, soit une suture dans la partie supérieure et l'autre dans la partie inférieure. Une troisième suture est pratiquée pour refermer l'enveloppe qui entoure cet organe. «On n'intervient pas sur la muqueuse utérine de façon à ne pas entraver sa régénération naturelle», précise Emmanuel Bujold.
À l'échelle de la planète, un enfant naît par césarienne à chaque seconde, rappelle le chercheur. Au Canada, environ 27% des enfants naissent par césarienne, soit pratiquement le double de ce qu'on observait il y a trois décennies. «En raison de la fréquence élevée des césariennes et de ses séquelles à long terme sur la santé des femmes, la recherche de solutions devrait être considérée comme une priorité en santé publique», estime Emmanuel Bujold.
L'inconvénient de l'approche préconisée par le tandem Bujold-Romero est qu'elle exige un peu plus de temps. «La technique de fermeture courante exige entre deux et trois minutes, alors que celle que nous proposons demande de cinq à huit minutes. La perte supplémentaire de sang qui s'ensuit est marginale. Notre position est que la restauration méticuleuse et adéquate de la structure de l'utérus est plus importante que la vitesse de l'intervention. La santé reproductive future des femmes qui subissent une césarienne doit être la priorité.»
L'article rédigé par Emmanuel Bujold et Roberto Romero peut être consulté dans le numéro spécial sur la césarienne produit par l'American Journal of Obsterics & Gynecology.

























