14 octobre 2025
La violence sexuelle dans le sport liée à l'alimentation des jeunes athlètes
Le harcèlement et les abus sexuels vécus par les adolescentes et adolescents en milieu sportif sont liés à des comportements alimentaires problématiques, selon une étude de l'Université Laval

Dans la cohorte de l’étude, composée de 9120 personnes âgées de 14 à 17 ans, 14,5 % ont déclaré avoir vécu au moins une expérience de violence sexuelle dans le sport.
— Getty Images, SDI Productions
«Toute forme de violence sexuelle peut être associée à des répercussions néfastes chez les personnes qui en font l'expérience», lance Allyson Gillard, nouvellement professeure à la Faculté des sciences de l'éducation. Dans le cadre de son doctorat, elle s'est intéressée au vécu de violences sexuelles en contexte sportif chez les adolescentes et adolescents athlètes et la relation avec des comportements alimentaires problématiques.
La chercheuse rappelle que l'adolescence est une période sensible pour développer ces comportements. Les déceler rapidement peut aider à éviter qu'ils n'escaladent en troubles alimentaires comme l'anorexie ou la boulimie.
Deux formes de violence aux liens néfastes
Contrairement à de nombreuses études qui analysent les violences sexuelles de façon globale, celle d'Allyson Gillard distingue deux formes, soit le harcèlement et l'abus. «Ce sont deux expériences qui sont complètement différentes, soutient la chercheuse. Au niveau du harcèlement sexuel, on peut penser aux commentaires à l'égard du poids et de la silhouette, se faire siffler ou déshabiller du regard, par exemple. Pour l'abus, on considère les touchers à caractère sexuel, des relations sexuelles, consentantes ou non, car dans le cas d'athlètes mineurs il y a un rapport d'autorité», explique la chercheuse, qui a mené l'étude sous la direction de Sylvie Parent, professeure au Département d'éducation physique.
Cette distinction lui a permis de mettre en lumière un résultat important pour réorienter les programmes de prévention et d'intervention: le lien entre le vécu de violence sexuelle en sport et les comportements alimentaires problématiques chez les jeunes athlètes est présent indépendamment de sa forme.
— Allyson Gillard, professeure à la Faculté des sciences de l'éducation
Elle se questionne sur le choix de certaines organisations ou instances gouvernementales de prioriser les interventions sur les abus sexuels, alors que le harcèlement sexuel est un peu «dans l'ombre». «Nos résultats démontrent que c'est important de prévenir les deux formes de violences sexuelles en contexte sportif.»
La chercheuse ajoute que le harcèlement sexuel est la forme la plus présente de violence sexuelle. Dans la cohorte de l'étude, composée de 9120 personnes âgées de 14 à 17 ans, 14,5% ont déclaré avoir vécu au moins une expérience de violence sexuelle dans le sport, soit 13,4% pour le harcèlement sexuel et 3,9% pour l'abus sexuel dans le sport. Certaines personnes participantes rapportaient avoir vécu les deux formes.
Femmes et athlètes de bas niveau: une vulnérabilité accrue
Dans l'étude, la chercheuse a considéré des facteurs de risque connus pour favoriser le développement de comportements alimentaires problématiques en sport qui sont documentés dans la littérature, soit le genre, le type de sport pratiqué (sports axés sur le poids ou non) et le niveau sportif. Elle voulait ainsi déterminer si leur présence accentuait l'association entre le vécu de violence sexuelle et les comportements alimentaires problématiques.
La chercheuse a observé que lorsqu'une personne rapporte avoir vécu du harcèlement et de l'abus en contexte sportif, l'association avec les comportements alimentaires problématiques est plus prononcée pour les femmes que pour les hommes. Une explication envisagée serait que l'expérience cumulative de harcèlement et d'abus sexuels dans le sport peut conduire à une auto-objectification accrue du corps chez les femmes, c'est-à-dire la réduction de leur corps ou de certaines parties de leur corps à un objet, qui contribue à accroître la honte et les préoccupations liées au poids et au trouble de l'alimentation.
L'étude révèle aussi une tendance surprenante. Pour les sports de bas niveau, soit récréatif ou local et régional, il y avait une plus grande association entre le vécu de violences sexuelles, qui considère les deux formes, et les comportements alimentaires problématiques. «On s'attendait à voir l'inverse», indique Allyson Gillard. Son hypothèse est que les jeunes athlètes de haut niveau ont souvent accès à des équipes de soutien pluridisciplinaires. «Le soutien social perçu est un facteur de protection dans le développement ou non des répercussions à la suite de violences sexuelles», précise-t-elle.
Le lien de cause à effet encore à établir
Même si les résultats montrent un lien entre les comportements alimentaires problématiques et le vécu de violence sexuelle, ils ne permettent pas de se prononcer sur le sens de cette corrélation. «On ne peut pas dire si les violences sexuelles prédisent les comportements alimentaires problématiques ou si c'est l'inverse. On a besoin d'études longitudinales pour explorer la direction de cette association», ajoute Allyson Gillard.
À titre de professeure, elle continue de s'intéresser aux enjeux de sécurité et d'intégrité, ajoutant notamment la violence physique et psychologique ainsi que la négligence. Elle souhaite aussi explorer le vécu de ces enjeux par différents acteurs du milieu sportif, tant les athlètes que les entraîneurs.
Les signataires de l'étude, publiée dans la revue International journal of sport and exercise psychology, qui sont affiliés à l'Université Laval, sont Allyson Gillard, Sophie Labossière et Sylvie Parent.