14 août 2025
La Clinique juridique en droit civil de l'Université Laval offre des conseils gratuits à la population
Cette clinique fait d’une pierre deux coups: en plus de participer concrètement à un meilleur accès à la justice, elle offre une précieuse formation pratique aux étudiantes et étudiants
De gauche à droite: Jérémie Côté, chargé d'enseignement à la Faculté de droit et coordonnateur de la Clinique juridique en droit civil de l'Université Laval, Virginie Lefèbvre, professionnelle de recherche à la Faculté de droit et coordonnatrice de la Clinique, Léanne Chartier, étudiante au baccalauréat en droit qui a participé à la Clinique à l'été 2025, Marilou Garneau, étudiante de 2e cycle en droit notarial et auxiliaire de recherche à la Clinique, et Arianne Barry-Boivin, étudiante au baccalauréat en droit qui a participé à la Clinique à l'hiver 2025.
— Yan Doublet
Un de vos proches est décédé et vous ne savez pas comment procéder pour la succession? Vous avez découvert un vice caché dans votre maison? On a porté atteinte à votre vie privée sur un réseau social? Vous avez refusé de louer votre logement dans l’attente du locataire parfait? Pas toujours facile d’y voir clair dans ses droits et ses obligations! Depuis janvier 2025, il est possible de demander conseil aux étudiantes et étudiants de la Clinique juridique en droit civil.
«En 2020, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 75 visant à améliorer l’accessibilité à la justice, notamment en autorisant l’existence de cliniques juridiques universitaires. Avant cette loi, les étudiants avaient seulement le droit de donner de l’information juridique. Bref, ils pouvaient seulement dire ce qu’est la loi, mais sans l’interpréter ni personnaliser l’information à une situation particulière», explique le chargé d’enseignement Jérémie Côté, l’un des deux coordonnateurs de cette clinique.
Avec sa collègue Virginie Lefèbvre, l’autre coordonnatrice, il a pensé et mis en place une structure pour bien encadrer les étudiantes et étudiants appelés à donner des conseils juridiques. «La loi est stricte. Seuls les étudiants inscrits à une clinique juridique peuvent donner des avis. Ils doivent avoir préalablement obtenu 45 crédits et être accompagnés d’un avocat ou d’un notaire en exercice. Pour le reste, il n’y a pas de forme préétablie. À la Faculté de droit de l'Université Laval, on a décidé de greffer la Clinique à un cours de 3 crédits», souligne Jérémie Côté.
Ce cours, accessible seulement par appel de candidatures, a été offert pour la première fois à la session d’hiver 2025, avant d’être redonné cet été. Chaque fois, seules les 10 meilleures candidatures ont été retenues et appairées. Chaque équipe de 2 personnes s’est ensuite vu assigner 6 mandats.
«Même si un superviseur était toujours présent pour les étapes cruciales, comme les rencontres avec le client et la validation de l’avis juridique, ce sont vraiment les étudiants qui ont brillamment piloté tous les dossiers», déclare avec fierté Jérémie Côté, qui mentionne que plus de 50 personnes ont été aidées et conseillées depuis la création de la Clinique.
Au service de la communauté
Alex Laurent, diplômé du baccalauréat en droit depuis juin, faisait partie de la première cohorte d’étudiantes et étudiants de la Clinique. Il a choisi de s’y investir notamment parce qu’il croit fermement qu’un meilleur accès à la justice est garant d’une meilleure démocratie.
«J’ai d’abord fait un baccalauréat en études internationales, pendant lequel je me suis intéressé à la montée de l’autoritarisme politique. J’ai compris que la démocratie repose sur le fait que chaque personne a les mêmes droits et les mêmes libertés. Mais pour que l’idéal démocratique se concrétise, il faut que chaque personne puisse faire respecter ses droits. C’est la première chose qui m’a attiré vers la clinique: faciliter l’accès à la justice», témoigne-t-il.
Les étudiantes et étudiants donnent effectivement des conseils juridiques gratuits dans un délai de quelques semaines à des gens qui se sentent souvent démunis devant la loi et l’appareil juridique. «Les gens que nous aidons ont d’abord cogné à la porte du Bureau d’information juridique, une initiative étudiante parascolaire qui offre gratuitement des services d’information et de vulgarisation. Parmi ces demandes, nous sélectionnons des dossiers pour lesquels nous croyons qu’un avis juridique aura des retombées concrètes», déclare Jérémie Côté.
La clientèle n’a que d’élogieux commentaires sur le travail des étudiantes et étudiants. «Une cliente impliquée dans un cas de violence conjugale a même dit aux étudiants qu’ils ont complètement changé sa vie. Réaliser qu’on peut aider à ce point une personne, ça donne une raison incroyable de poursuivre des études en droit», ajoute le chargé d'enseignement.
«Les gens nous lançaient clairement un appel à l’aide. C’est touchant et déstabilisant! Mais les conseils juridiques, ce n’est pas tout. Les clients ont aussi besoin d’être écoutés et rassurés. On rétablit parfois leur confiance en la justice, et même en eux-mêmes!», raconte Arianne Barry-Boivin, qui faisait équipe avec Alex Laurent.
Une formation humaine marquante
Selon Alex Laurent et Arianne Barry-Boivin, la Clinique juridique en droit civil demande un réel engagement de la part des étudiantes et étudiants. Pour la première fois, ils ne se trouvaient pas devant des cas théoriques. Ils devaient composer avec des faits plus ou moins clairs et, surtout, des bouleversements émotifs chez leurs clientes et clients.
— Alex Laurent, étudiant à la Clinique juridique en droit civil à la session d'hiver 2025
Le coordonnateur Jérémie Côté admet que le cours est très exigeant. Non seulement les questions à résoudre ne sont pas toujours claires et faciles, mais les étudiantes et étudiants sont aussi aux prises avec une réalité du travail de juriste qu’ils ont tendance à oublier.
«Souvent, on s’inscrit en droit avec le rêve de sauver la veuve et l’orphelin. Mais, dans la réalité, la veuve et l’orphelin n’ont pas toujours de recours. Et, en tant que juriste, on n’est pas toujours de leur côté. On aide parfois la partie adverse, qui a aussi droit à des conseils juridiques. Bref, il arrive relativement souvent que les gens soient déçus par la réponse qu’on leur donne. Ils auraient espéré avoir plus de droits. C’est difficile pour les étudiants de sentir cette déception», confie Jérémie Côté, qui affirme que les étudiantes et étudiants de la Clinique sortent tout de même sereins et grandis de cette expérience, ayant eu à développer leur jugement, leur empathie et leur capacité d’adaptation.
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