9 décembre 2024
«L'hôpital à la maison»: une approche efficace, un avenir incertain
Une étude dresse un bilan très positif de la Clinique des aînés, un projet pilote grâce auquel une équipe mobile se rend chez des personnes âgées vulnérables pour leur prodiguer des soins de santé
Il existe un service de santé destiné aux personnes âgées vulnérables qui diminue de plus de 25% leur taux d'hospitalisation et raccourcit de 50% la durée de leur hospitalisation, réduisant d'autant la période de stress, de désorientation et de désorganisation qu'elles vivent pendant un séjour à l'hôpital. Tout ça sans compromettre leur santé.
Ça semble trop beau pour être vrai? C'est pourtant ce qu'est parvenue à accomplir la Clinique des aînés, un projet pilote du CIUSSS de la Capitale-Nationale, qui consiste à déplacer vers le domicile de personnes âgées vulnérables les soins qui leur seraient habituellement offerts en milieu hospitalier. Mis sur pied à l'hôpital Saint-François d'Assise à l'initiative de Luc Tailleur, médecin de famille et professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval, ce projet visait à éviter l'hospitalisation de personnes âgées vulnérables ou à raccourcir la durée de leur séjour hospitalier en leur offrant, sept jours sur sept, des soins à domicile. Ce projet pilote s'est déroulé en 2019 et 2020 dans les arrondissements La Cité-Limoilou, Beauport, Charlesbourg et Les Rivières de Québec.
Pour en évaluer l'efficacité, une équipe dirigée par Marcel Émond, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval, a recruté des personnes âgées à la santé fragile qui s'étaient présentées à l'urgence de l'hôpital Saint-François d'Assise en raison principalement d'une chute, d'un état de santé globale dégradé, de douleurs ou de confusion. L'équipe a comparé différents indicateurs d'efficacité avant et après l'implantation de la Clinique des aînés.
Les résultats, présentés récemment dans la revue BMC Geriatrics, parlent d'eux-mêmes. Premier constat: les 248 personnes recrutées avant la création de la clinique ont toutes été hospitalisées alors que 28% des 189 personnes recrutées après son implantation ont pu retourner chez elles immédiatement.
Deuxième constat: la durée des hospitalisations, qui était de 28 jours, est passée à 14 jours après l'implantation de la clinique. Lorsque des réhospitalisations étaient nécessaires, leur durée était aussi coupée de moitié.
Troisième constat: le nombre de personnes qui ont dû revenir à l'urgence dans le premier mois, les trois premiers mois et les six premiers mois suivant leur congé de l'hôpital était comparable avant et après l'implantation de la clinique. De plus, le taux de mortalité avant et après la mise en service de la clinique était similaire.
«Cette approche “d'hôpital à la maison” exige des changements organisationnels substantiels, mais elle réduit le taux d'hospitalisation ainsi que la durée de l'hospitalisation initiale et des réhospitalisations, sans affecter les retours à l'urgence et le taux de survie. Même si ces personnes avaient un état de santé précaire, nous n'avons observé aucun enjeu de sécurité lié au fait de les retourner plus tôt à la maison», commente Marcel Émond.
En théorie, cette approche est bénéfique pour le bien-être des personnes âgées vulnérables parce que les hospitalisations sont pour celles-ci une source importante de stress qui peut engendrer de la confusion et du délirium, poursuit le professeur Émond. «Elle permet aussi de garder les personnes dans leur milieu de vie pendant quelques mois, voire quelques années supplémentaires, ce qui évite une coupure radicale dans leur vie. Cette approche est aussi profitable au système de santé parce qu'elle permet de libérer des lits pour les personnes dont l'état de santé nécessite véritablement une hospitalisation.»
— Marcel Émond
Ce projet pilote est maintenant terminé et, malgré son bilan positif, rien n'indique qu'il aura une suite. «Avec le vieillissement de la population, la demande d'hospitalisation pour les personnes de plus de 75 ans va augmenter substantiellement au cours des prochaines années. Il faut un nouveau modèle pour prendre soin de ces personnes sans devoir les hospitaliser. Notre étude montre que la Clinique des aînés peut aider en ce sens. Les nouvelles technologies apparues au cours des dernières années pourraient aussi faciliter le suivi des personnes âgées vulnérables qui vivent chez elles. Nous avons un train qui fonctionne. Il faudrait le mettre sur les rails.»
Les signataires de l'étude parus dans BMC Geriatrics sont Valérie Boucher, Eva-Marie Jouhair, Marie-Josée Sirois, Luc Tailleur, Philippe Voyer, Éric Mercier, Anik Giguère, Clermont E. Dionne, France Légaré, Clémence Dallaire, Stéphane Bergeron, Pierre-Hugues Carmichael et Marcel Émond.