12 novembre 2024
L'intention de rapporter les erreurs de médication plus faible chez le personnel infirmier peu expérimenté
Chaque année, plus de 100 000 erreurs de médication sont rapportées dans le réseau de la santé au Québec. Une équipe de recherche s'est penchée sur les facteurs qui influencent l'intention du personnel infirmier de rapporter ce type d'erreurs.
Pas facile d'admettre qu'on a commis une erreur au travail et encore plus difficile de la signaler à ses gestionnaires. C'est pourtant ce qui est attendu du personnel infirmier du réseau de la santé du Québec qui doit déclarer tout incident ou accident qui a eu ou qui aurait pu avoir des répercussions sur la santé et la sécurité des patientes et des patients.
Signalons qu'en 2022-2023, quelque 462 000 incidents et accidents, conduisant à 515 décès, sont survenus lors de la prestation de soins ou de services dans le réseau de la santé du Québec. Du nombre, 24%, soit environ 110 000, étaient des erreurs de médication.
«On sait que le personnel infirmier débutant ou novice fait plus d'erreurs que le personnel infirmier expérimenté, mais qu'il les rapporte moins, signale Marie-Pierre Gagnon, professeure à la Faculté des sciences infirmières de l'Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Il s'agit pourtant d'une obligation inscrite dans le Code de déontologie des infirmières et infirmiers du Québec. Comme ces rapports sont essentiels à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, il est important de connaître les facteurs qui favorisent l'intention de signaler ces accidents et incidents. C'est ce que nous avons tenté de comprendre en menant une étude auprès des étudiantes et étudiants de 3e année du baccalauréat en sciences infirmières.»
Pour les besoins de cette étude, l'étudiante-chercheuse Raouaa Braiki, qui a consacré une partie de sa thèse de doctorat à ce sujet, la professeure Gagnon et le professeur Frédéric Douville ont concentré leur attention sur les erreurs de médication. «C'est la deuxième cause en importance, après les chutes, dans les rapports d'accidents ou d'incidents. La préparation, l'administration, le suivi et l'évaluation des effets des médicaments sont en grande partie la responsabilité du personnel infirmier», rappelle Marie-Pierre Gagnon.
L'équipe de recherche a demandé à 143 étudiantes et étudiants de 3e année du baccalauréat en sciences infirmières de répondre à un questionnaire de 37 items servant à déterminer quels éléments influençaient leur intention de rapporter des erreurs de médication. Les personnes qui ont participé à l'étude avaient deux profils distincts: 123 d'entre elles possédaient un diplôme d'études collégiales et avaient une expérience en milieu de travail, mais sa durée était de moins de trois ans (novices) et les 20 autres n'avaient pas encore d'expérience de travail en soins infirmiers (débutantes).
L'analyse des réponses, qui a fait l'objet d'une publication dans le Canadian Journal of Nursing, montre que 78% des répondantes et répondants ont une intention élevée de signaler les erreurs de médication. «Idéalement, on voudrait que tous aient une intention élevée de rapporter ces erreurs, mais ce n'est pas le cas chez presque une personne sur quatre dans notre étude», constate la professeure Gagnon.
Aucune des composantes de la théorie du comportement planifié évaluées par l'équipe de recherche n'est parvenue à expliquer les différences dans l'intention de faire un signalement. Les normes sociale, subjective, professionnelle et morale, les regrets anticipés, le contrôle comportemental perçu, les croyances de contrôle et l'attitude par rapport au signalement des erreurs influencent tous l'intention de signaler une erreur de médication.
Par contre, l'intention de rapporter ce type d'erreurs était moins élevée chez les hommes, chez les personnes de moins de 23 ans, chez les personnes du groupe débutantes et chez les personnes qui avaient moins de deux années d'expérience de travail en soins infirmiers.
«Ces résultats suggèrent que le personnel infirmier plus jeune et moins expérimenté craint ce qui pourrait se produire s'il rapportait une erreur. Les barrières au signalement semblent moins importantes chez les personnes qui ont plus d'expérience de travail, peut-être parce qu'elles ont déjà fait des signalements et qu'elles ont constaté qu'il n'y avait pas eu de représailles», avance la professeure Gagnon.
— Marie-Pierre Gagnon, au sujet de l'enseignement que les gestionnaires du réseau de la santé peuvent tirer de cette étude
Cette étude livre un enseignement précieux aux gestionnaires du réseau de la santé, poursuit-elle. «Si on veut que le personnel infirmier signale davantage les erreurs de médication et les autres types d'erreurs, il faut éviter la culture du blâme et envoyer le message clair que l'erreur est humaine et que les rapports d'incidents et d'accidents visent avant tout à offrir les meilleurs soins possibles aux patients. Que faire un signalement d'erreur, c'est aider les patients.»