Jusqu'à 90% des musiciens d'orchestre souffriront, à un moment de leur carrière, de problèmes musculosquelettiques associés à la pratique de leur instrument. Petite lueur d'espoir à l'horizon pour ces personnes et pour les autres musiciens aux prises avec ces problèmes, une intervention de 14 semaines portant sur la prévention des blessures et le bien-être en milieu de travail pourrait réduire l'intensité et la prévalence de leurs douleurs musculosquelettiques, démontre une étude qui vient de paraître dans le Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy.
Cette étude, dirigée par Jean-Sébastien Roy, de l'École des sciences de la réadaptation de l'Université Laval et du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, a évalué l'efficacité de cette intervention auprès de 65 musiciens – des étudiants inscrits au conservatoire ou des membres d'orchestres – qui consacraient au moins 15 heures par semaine à la pratique de leur instrument. «Nous avons adapté une intervention existante en fonction des commentaires que nous avons recueillis lors d'un focus group auquel ont participé des musiciens, un chef d'orchestre et des gestionnaires d'orchestre symphonique», explique le professeur Roy.
Trente-trois participants ont été soumis à cette intervention qui comporte une composante éducative et une composante d'exercice physique. «Le volet éducatif réunit, entre autres, des informations sur les bonnes habitudes de pratique d'un instrument de musique, sur les bonnes habitudes de vie et sur la gestion de la charge de travail, de l'anxiété de performance et de la douleur, précise le chercheur. Quant au volet exercice physique, il comprend des exercices de stabilité, de posture et de renforcement du cou, des épaules, des poignets, des coudes, des abdominaux, des hanches et du dos. Les participants devaient effectuer 4 séances individuelles de 20 minutes chaque semaine et deux séances de 45 minutes en groupe chaque mois.»
Les chercheurs ont évalué à trois reprises – au moment du recrutement, après l'intervention de 14 semaines et 11 mois après le début de l'intervention– différentes composantes de la douleur musculosquelettique chez les sujets soumis à l'intervention et chez 32 musiciens d'un groupe témoin. Les résultats? L'intensité de la douleur et la prévalence des épisodes douloureux ont diminué chez les musiciens qui ont profité de l'intervention, alors qu'elles sont demeurées inchangées dans le groupe témoin.
«Les diminutions observées sont cliniquement significatives, souligne le professeur Roy. Elles se comparent à ce qui est observé chez les personnes qui utilisent des opioïdes pour contrôler la douleur. Si j'étais un gestionnaire d'orchestre, j'implanterais cette intervention pour réduire le risque de problèmes musculosquelettiques chez mes musiciens.»
Toutes les composantes de l'intervention mise au point par l'équipe de recherche avaient été réunies sur un site Web que les musiciens pouvaient consulter à volonté. «Le site existe toujours, mais comme le projet de recherche est terminé, il n'est plus en ligne, souligne le professeur Roy. Il pourrait être réactivé si des fonds devenaient disponibles.»
Les musiciens exigent beaucoup de leur corps, constate-t-il. «La saison musicale s'étend sur plusieurs mois, les pratiques sont longues et exigeantes, les gestes sont répétitifs et ils doivent être exécutés dans des postures qui ne sont pas toujours naturelles. Les musiciens sont comme des athlètes professionnels, mais contrairement à ces derniers, ils n'ont pas une équipe de spécialistes autour d'eux pour veiller sur leur santé.»
Cette étude a été réalisée dans le cadre des travaux de doctorat de Marianne Roos. Les autres signataires de l'étude parue dans le Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy sont Marie-Ève Lamontagne, Clermont Dionne, Anne-Marie Pinard et Jean-Sébastien Roy, de l'Université Laval, Isabelle Savard et Maryse Tanguay, de l'Université TELUQ, et François Desmeules et Simon Lafrance, de l'Université de Montréal.