Un projet mené par une équipe de l'Université Laval avec la collaboration du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD) et Les Apiculteurs et Apicultrices du Québec devrait faciliter la production de lignées d'abeilles plus productives, plus résistantes aux maladies et mieux adaptées aux conditions locales. Le professeur Pierre Giovenazzo, du Département de biologie de l'Université Laval, vient d'obtenir une subvention de 3,2 M$, provenant principalement de Génome Canada et Génome Québec, pour évaluer le recours à des outils génomiques qui pourraient accélérer le développement de ces lignées plus performantes.
«Au cours des 15 dernières années, la mortalité hivernale des colonies d'abeilles a atteint, en moyenne, 26% au Canada, rappelle le professeur Giovenazzo. Pour reconstituer leurs colonies au printemps, les apiculteurs canadiens importent chaque année près de 360 000 abeilles reines, principalement de la Californie et d'Hawaï, mais aussi de la Nouvelle-Zélande, de l'Italie, du Chili, de l'Ukraine et de l'Australie. Cette façon de faire entraîne des risques d'approvisionnement, comme on l'a vu pendant la pandémie, elle accroît le risque de faire entrer des pathogènes au pays et elle fait reposer la performance des colonies sur des reines dont la génétique pourrait être mal adaptée aux conditions locales.»
Depuis 2009, le professeur Giovenazzo et ses collègues du CRSAD, Andrée Rousseau et Ségolène Maucourt, travaillent au développement de lignées de reines qui pourraient réduire la dépendance envers les fournisseurs étrangers tout en assurant le développement durable de l'industrie apicole canadienne. «Nous sélectionnons des reines à partir des performances de leur colonie et des traits de caractère des ouvrières. Nous évaluons la production de miel, la résistance aux maladies, la capacité de débarrasser le couvain des larves mortes ou malades et la “douceur” des abeilles (dans le but de réduire leur propension à piquer). Nous faisons le même exercice pour sélectionner les meilleurs mâles, mais dans leur cas, il faut se fier aux performances de la colonie de leur mère.»
Une fois les meilleurs spécimens identifiés, les chercheurs les transportent dans un rucher de fécondation situé dans un endroit isolé. Les descendants de ces croisements sont évalués à leur tour, et le cycle recommence. Grâce à la collaboration du CRSAD et d'Apiculteurs et Apicultrices du Québec, les reines les plus performantes sont multipliées par des éleveurs de reines qui les distribuent ensuite aux apiculteurs qui veulent les mettre à l'essai dans leur rucher.
À chaque cycle de reproduction, les chercheurs évaluent les performances de 180 reines. «Cette évaluation exige beaucoup de temps et des ressources. C'est la raison pour laquelle nous voulons recourir à une puce à ADN qui compte 100 000 marqueurs afin de caractériser les lignées que nous avons développées. Cette puce servira également à faire la présélection des reines ayant un profil génétique qui vaut la peine d'être évalué sur le terrain.»
«Grâce à ce projet, nommé ApiOmic, nous espérons en arriver à produire des lignées d'abeilles rustiques, productives et résistantes aux maladies qui pourront assurer des services de pollinisation efficaces, une production de miel supérieure et une durabilité accrue de notre industrie apicole canadienne», résume le professeur Giovenazzo.