La première étude portant sur la continuité intergénérationnelle de la consommation d'alcool dans les familles québécoises conclut qu'une consommation parentale élevée d'alcool, plus particulièrement celle de la mère, est associée à un risque de consommation élevée chez les enfants. «Il y a un risque familial, mais plusieurs autres facteurs biologiques, culturels et sociaux influencent aussi la consommation d'alcool des jeunes», souligne toutefois la responsable de l'étude, Amélie Petitclerc, professeure à l'École de psychologie de l'Université Laval et chercheuse au Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles et au Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant.
Les résultats de l'étude, publiée dans la revue Addictive Behaviors, reposent sur des données collectées dans le cadre de l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec. L'équipe de recherche s'est penchée sur 1632 familles dont les enfants sont nés en 1997 ou en 1998. La consommation d'alcool de la mère et celle du père ont été documentées 8 fois et 4 fois respectivement pendant la période où les enfants étaient âgés de 5 mois à 13 ans. Quant à la consommation d'alcool des jeunes, elle a été documentée à 5 reprises alors qu'ils avaient entre 13 et 21 ans.
Les analyses ont permis de distinguer trois trajectoires de consommation d'alcool chez les jeunes. La première, la trajectoire normative, suivie par 60% des jeunes, est associée à une consommation modérée qui débute vers 14 ou 15 ans et qui augmente progressivement pour atteindre un plateau à partir de 17 ans. La seconde, la trajectoire tardive, suivie par 32% des jeunes, se caractérise par une consommation qui commence après 15 ans et qui reste à un niveau peu élevé.
La troisième trajectoire, dite précoce, se retrouve chez 8% des jeunes. «Elle se caractérise par une consommation élevée dès l'âge de 13 ans. D'autres études ont montré qu'un début précoce de consommation d'alcool est associé à un risque plus élevé de problèmes de consommation d'alcool à l'adolescence et à l'âge adulte», précise la professeure Petitclerc.
L'équipe de recherche a constaté que la consommation élevée d'alcool de la mère est corrélée au risque qu'un enfant adopte la trajectoire précoce. Cette association n'est pas présente pour la consommation du père. Par ailleurs, une consommation élevée d'alcool chez le père ou chez la mère réduit de façon indépendante la probabilité que les jeunes adoptent une trajectoire tardive.
«Il est possible que la mère ait plus d'influence que le père en raison d'une présence plus grande auprès des enfants. Ses comportements pourraient avoir un effet normalisant. Ce lien entre la consommation maternelle et l'adoption de la trajectoire précoce est présent, peu importe que le couple soit séparé ou non», souligne la professeure Petitclerc.
Ces résultats n'impliquent pas forcément un lien de causalité, prévient la chercheuse. «Il s'agit de corrélations qui suggèrent des indicateurs de risque qui peuvent guider les interventions de prévention. Présentement, les programmes d'éducation aux risques de la consommation excessive d'alcool ciblent des écoles ou des quartiers. Ces interventions pourraient être plus efficaces si l'on tenait compte de la consommation d'alcool dans les familles.»
Le premier auteur de l'étude est Gabriel Bernard, étudiant au doctorat en psychologie à l'Université Laval. Les autres signataires sont Hélène Paradis, Michel Boivin et Amélie Petitclerc, de l'Université Laval, et Sylvana Côté et Richard E. Tremblay, de l'Université de Montréal.