
Ils permettent d'assembler une foule de matériaux différents, peuvent supporter une charge de 2000 kilogrammes appliqués sur une petite surface collée et sont même expédiés dans l'espace. Les adhésifs ont explosé en nombre et en spécialité depuis le premier brevet en 1814. Dans le cadre d'une nouvelle série de conférences grand public offertes par la Faculté de sciences et de génie, le professeur Michel Guillot lève le voile sur ce domaine en croissance qu'il étudie avec son équipe de recherche.
Les adhésifs représentaient un chiffre d'affaires de 49,5 milliards $US en 2016, puis de 63 milliards $US en 2021. «On va probablement dépasser les 100 milliards d'ici deux ou trois ans», prévoit le professeur au Département de génie mécanique. Et pour cause, on les retrouve presque partout, dit-il en énumérant les possibilités. En électronique, ils permettent de fixer des micropuces dans un boîtier de plastique. En aérospatiale, ils sont utilisés pour assembler des parois minces et en minimiser le poids, «un facteur très important dans l'espace», tout en résistant aux variations de température et au rayonnement solaire. En santé, ils peuvent coller «du vivant, des os, des tissus». Sans compter leurs applications dans les domaines de la construction, des électroménagers et des transports.
Pourquoi utiliser les adhésifs au lieu de la soudure ou de bons vieux rivets et boulons dans l'assemblage industriel de véhicules? demande le conférencier. Pour des raisons esthétiques, répond-il d'abord, en expliquant qu'ils ne laissent pas de traces, pas de trous, mais une surface lisse, facile à peindre. Les adhésifs augmentent aussi la rigidité, la résistance, réduisent la vibration et les bruits de tôles. Ils maximisent l'efficacité des joints, évitent l'infiltration d'humidité entre deux pièces de métal, ce qui peut produire de la corrosion galvanique.
Depuis 10 ans, poursuit le professeur Guillot, il y a eu beaucoup d'évolution et les fabricants d'automobiles les ont adoptés à plus grande échelle. Une voiture est aujourd'hui composée de 110 à 120 mètres de longueur d'adhésifs structurants. Encore là, l'un des grands avantages est de réduire la masse d'une centaine de kilogrammes en moyenne. Les voitures électriques représentent aussi un marché à grand potentiel, notamment pour l'assemblage de batteries, souligne le conférencier.
Moments importants dans l'évolution des adhésifs
1814 | Brevet pour le 1er adhésif fait d'ossements d'animaux |
1872 | Première fabrique/brevet de colle à partir d'arêtes de poissons |
1875 | Début du laminage de couches de bois mince plaqué (contreplaqué) |
1917 | Adhésif utilisé pour la construction d'avions (caséine) |
1927-1930 | Premier adhésif à base de caoutchouc (1927), 1er ruban à pression (1930) |
1930-1940 | Nouveaux adhésifs: acryliques, polystyrène, PVC, polyéthylène, etc. |
1944-1948 | Premier adhésif pour le métal (1944), 1er adhésif fait d'époxy (1948) |
1960 | Cyanoacrylate (super colle instantanée) |
1970 | Adhésifs résistant à des températures de 500ºC |
1970-1990 | Plus de méthodes de durcissement (durcisseur liquide, UV, chaleur) |
1980-2010 | Perfectionnement des adhésifs. Beaucoup de marques, produits sérieux, confiance plus élevée, plus d'essais et de données, etc. |
2010+ | Plus d'adhésifs spécialisés, amélioration de l'adhésion, diminution de la préparation requise, utilisation structurale dans l'automobile |
Recherche et tests normés
Le professeur Guillot et l'équipe qu'il chapeaute font de la recherche sur les adhésifs depuis 2006. Dans un projet de partenariat avec Styl&Tech inc., ils participent à la conception de la structure d'autobus électriques, principalement en aluminium. Des essais sur certains sous-assemblages ont permis de montrer que le produit était «très performant au niveau structural et environ 30% plus léger que celui de la compétition qui n'utilise pas de collage». Les chercheurs prévoient aussi collaborer sur les essais du prototype pleine grandeur.
Les gens qui ne connaissent pas les adhésifs ont souvent des craintes sur la résistance et la durabilité à long terme, mentionne le professeur. «C'est le genre de choses qu'on étudie. On fait des tests pour s'assurer que les adhésifs sont suffisamment prévisibles et utilisables en conception.»
Dans ces essais normés, les chercheurs se penchent sur l'adhésion et le fluage, c'est-à-dire la déformation d'un adhésif sous l'effet d'une charge; ils font des tests de fatigue, des tests d'impact et de durabilité, par exemple en présence d'eau salée, de chaleur ou de gel, illustre le professeur. Ils peuvent aussi évaluer la performance d'un adhésif dont la date est expirée.
Des milliers de produits et de marques pour tous
Silicone, polyuréthane, acrylique, époxy… Adhésifs instantanés, avec durcissement UV, structuraux à deux composants, rubans… Il est facile de s'y perdre au rayon des adhésifs. Il existe en effet des milliers de produits et de marques, si bien qu'il est difficile de les comptabiliser, indique le conférencier. Il fait toutefois un tour d'horizon dans sa présentation et mentionne que malgré leur spécialisation, beaucoup sont disponibles pour monsieur et madame Tout-le-Monde.
Il est possible de s'en procurer sur des sites de fournisseurs comme McMaster-Carr ou encore sur Amazon, dit-il, mais aussi chez les distributeurs industriels régionaux qui gardent un inventaire ou qui peuvent en commander. «Les fiches techniques sont facilement disponibles sur le Web», précise le professeur.
Quels matériaux seront collés? L'application de l'adhésif doit-elle être facile ou est-on équipé pour préparer les surfaces? À combien de temps estime-t-on la durée du travail, puisqu'il faut tenir compte des temps de fixation et de durcissement? Voilà un aperçu des questions à se poser avant de choisir le produit le plus fiable.
Pour voir la conférence du professeur Michel Guillot:
La série de conférences gratuites offertes par la Formation continue de la Faculté de sciences et de génie se poursuit. La prochaine aura lieu le 12 décembre, alors que Céline Vaneeckhaute, professeure au Département de génie chimique, animera une présentation intitulée «Récupération et recyclage des ressources: de la toilette à l'assiette».
Les conférences passées sont présentées en rediffusion et toutes sont également offertes en entreprise.