Près de 70%. C'est la proportion de la population qui vivra un épisode de douleur à l'épaule au cours de sa vie. Dans la moitié des cas, cette douleur aura persisté ou récidividé un an après son apparition.
Pour son doctorat en sciences cliniques et biomédicales, le physiothérapeute Marc-Olivier Dubé a réalisé un essai clinique auprès de 123 patients ayant une douleur liée à la coiffe des rotateurs. Ce terme médical regroupe la grande majorité des problèmes d'épaule qui sont diagnostiqués, comme la tendinopathie, le syndrome d'abutement et la douleur sous-acromiale, et exclut ceux qui sont issus d’une luxation de l'épaule.
«Il existe des interventions efficaces pour la douleur à l'épaule, mais avec le taux élevé de chronicisation et de persistance, il reste du chemin à faire. Le but du projet était de voir si différents types d'exercices pouvaient mener à des résultats plus optimaux, mais aussi évaluer ces exercices en comparaison avec une approche d'éducation et de conseils donnés aux patients», explique celui qui a travaillé sous la direction du professeur Jean-Sébastien Roy, du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, et dont la thèse a fait l'objet d'un article dans le British Journal of Sports Medicine.
Des 123 patients qui participaient à cette étude randomisée, le tiers devait réaliser des exercices de renforcement de l'épaule. L'autre tiers s'est fait proposer des exercices de contrôle moteur, qui visent à modifier les mouvements du patient afin d'atténuer ses symptômes.
Si tous les participants recevaient des conseils tout au long des séances, le dernier groupe a eu droit à une approche basée uniquement sur l'éducation, sans exercices. Pendant 30 minutes, des experts leur transmettaient conseils et informations et répondaient à leurs questions. Du temps était aussi consacré au visionnement de courtes capsules vidéo sur différents thèmes liés à la douleur à l'épaule.
Durant les 12 semaines qu'ont duré les séances, les patients devaient répondre à une série de questionnaires. Les questions portaient notamment sur l'évolution de leur douleur, la limitation des mouvements, les impacts de la douleur sur leur vie quotidienne ou encore leur peur d'effectuer certaines activités.
Les participants devaient aussi se prêter à une batterie de tests, notamment un examen pour évaluer la force des muscles de leur épaule et une échographie pour mesurer la distance acromiohumérale et l'épaisseur des tendons.
Conclusion: les exercices de renforcement et de contrôle moteur ne représentent pas forcément la panacée. «Nos résultats démontrent que l'addition d'exercices n'a pas mené à des bénéfices supplémentaires par rapport à l'éducation et les conseils à eux seuls», indique Marc-Olivier Dubé.
Le chercheur insiste toutefois sur cette nuance: «Ça ne veut pas dire que les exercices ne servent à rien. Certaines personnes peuvent définitivement en bénéficier. Les exercices, au-delà de leurs effets sur la douleur, ont des retombées sur la santé à long terme. Le renforcement, même s'il n'a pas de plus-value sur le plan clinique, amène les patients à avoir une meilleure autonomie et une prise en charge active de leur douleur.»
Autre donnée intéressante: les attentes du patient à l'égard de son intervention jouent un rôle clé dans sa rémission. «Avant de commencer l'étude, on demandait aux patients: “Pensez-vous que l'intervention va vous aider?” Puis, on reposait la question une fois qu'ils avaient été assignés à un l'un des trois groupes. Résultat: les gens dont les symptômes se sont améliorés sont ceux qui avaient des attentes positives et une plus grande auto-efficacité face à la douleur.»
Des recherches qui se poursuivent en Australie
Avec son projet postdoctoral, qu'il réalise dans un centre de recherche de Melbourne, le Trobe Sport and Exercise Medicine Research Center, Marc-Olivier Dubé «tourne le dos à l'épaule» pour s'intéresser au genou.
Ses recherches portent plus particulièrement sur l'arthrose post-traumatique, un trouble plutôt courant chez les sportifs. «Durant leur adolescence, leur vingtaine ou leur trentaine, plusieurs personnes auront une blessure au genou ou une déchirure du ligament croisé antérieur. Qu'elles aient une chirurgie ou fassent de la réadaptation, un certain pourcentage sera plus à risque de développer de l'arthrose plus tard. Ce trouble peut jouer sur la qualité de vie, la santé mentale et la santé physique en général.»
«Au centre de recherche, ajoute-t-il, on essaie de mieux comprendre qui va développer cette arthrose post-traumatique et de quelles façons on peut optimiser la trajectoire de soins de cette population.»