6 novembre 2023
Une méthode simple pour évaluer la qualité de l'air dans les piscines intérieures
Des chercheurs proposent une façon pratique d'estimer la concentration de sous-produits de désinfection qui peuvent provoquer des problèmes de santé chez les usagers et le personnel des piscines
Les personnes qui travaillent dans les piscines intérieures et les nageurs assidus s'exposent à des sous-produits de désinfection (SPD) volatils qui peuvent irriter les yeux et les voies respiratoires, au point de provoquer, dans certains cas, des problèmes d'asthme. Y aurait-il une façon simple et peu coûteuse de mesurer la concentration de ces contaminants dans l'air des piscines afin de pouvoir appliquer des mesures correctives au besoin? Des chercheurs de l'Université Laval et de l'Université de Montréal se sont penchés sur la question et ils proposent une solution pratique à ce problème dans un article qui vient de paraître dans la revue Environmental Monitoring Assessment.
Pour réaliser ce projet, les chercheurs ont mesuré la concentration de SPD dans l'air et dans l'eau de quatre piscines de Québec et de Montréal. Ils ont ensuite tenté d'établir des corrélations entre ces concentrations et différentes caractéristiques et variables physico-chimiques de chaque piscine. «Des travaux que nous avions menés antérieurement indiquaient que les concentrations de SPD étaient problématiques dans deux de ces piscines», souligne le coresponsable de l'étude, Manuel Rodriguez, professeur à l'École supérieure d'aménagement du territoire et de développement régional de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG – Gestion et surveillance de la qualité d'eau potable.
Rappelons que les SPD sont produits par la réaction entre la matière organique qui provient des baigneurs – cheveux, sueur, saletés et, à l'occasion, urine – et le chlore utilisé pour détruire les microorganismes présents dans l'eau. «Au Québec, il existe des normes touchant la concentration de certains SPD dans l'eau potable, mais aucune réglementation ne fixe de concentration limite pour ces produits dans l'eau ou dans l'air des piscines. Par contre, certains pays européens ont adopté de telles normes et elles pourraient nous servir de guides», suggère le professeur Rodriguez.
Chaque piscine visitée dans le cadre de cette étude a fait l'objet d'une cueillette intensive de données pendant une journée complète. Les chercheurs ont ainsi récolté un total de 90 échantillons d'air et 111 échantillons d'eau. Premier constat, les concentrations de SPD montent rapidement dès l'ouverture de la piscine. «Cette hausse est en lien direct avec le nombre de baigneurs et les concentrations atteignent un pic 2 à 3 heures après l'ouverture. Par contre, ce n'est pas un indicateur facile à utiliser parce que les gens vont et viennent continuellement et la durée de leur bain est variable. Il n'est pas simple de déterminer le nombre cumulatif d'usagers au fil des heures», constate le professeur Rodriguez.
Les chercheurs ont donc poursuivi leurs analyses afin d'identifier d'autres indicateurs plus simples à utiliser. «Nous avons trouvé deux variables dont la valeur prédictive est élevée. La première est la concentration de CO2 dans l'air, qui est un reflet direct du nombre cumulatif de baigneurs. La deuxième est l'humidité relative, qui pourrait refléter la qualité de la ventilation. Une concentration de CO2 élevée et une humidité relative élevée s'accompagnent d'une hausse de la concentration de SPD dans l'air de la piscine. Ce sont deux paramètres qui pourraient être intégrés à faible coût au suivi quotidien des piscines», estime Manuel Rodriguez.
Quelles seraient les options des opérateurs de piscine advenant des valeurs élevées de SPD? «D'abord, ils pourraient utiliser cette information comme signal qu'il faut limiter le nombre de baigneurs dans le bassin, répond le chercheur. Une autre action qui pourrait être prise serait d'insister pour que les usagers prennent une douche avant d'entrer dans la piscine. Les opérateurs devraient aussi s'assurer que le système de traitement de l'eau de leur piscine enlève la matière organique qui s'y trouve, surtout l'azote et le carbone. L'amélioration de la ventilation pourrait aussi aider, mais cela nécessite souvent des investissements importants. Enfin, une baisse de la température de l'eau réduirait la production de SPD, mais cette mesure risque de déplaire à beaucoup d'usagers.»
Par où commencer? «Chaque piscine a ses caractéristiques et ses particularités, souligne le professeur Rodriguez. La première chose à faire est d'assurer un bon suivi des sous-produits de désinfection afin de déterminer s'il y a un problème et, s'il y en a un, quelle en est la cause. À partir de là, il est possible d'envisager des mesures qui pourraient être appliquées de façon graduelle.»
Les signataires de l'étude publiée dans Environmental Monitoring Assessment sont Ianis Delpla, Sabrina Simard, François Proulx, Jean-Baptiste Sérodes et Manuel Rodriguez, de l'Université Laval, et Elham Ahmadpour, Maximilien Debia, coresponsable de l'étude, Isabelle Valois, Robert Tardif et Sami Haddad, de l'Université de Montréal.