«Présentement, l'observance des règles d'hygiène des mains par le personnel soignant est sous-optimale et il est temps d'envisager de nouvelles stratégies si l'on veut contrer plus efficacement la transmission des infections nosocomiales. Les systèmes automatisés qui mesurent l'observance de ces règles par le personnel soignant et qui permettent une rétroaction individualisée axée sur l'amélioration des soins pourraient faire partie de la solution.»
C'est ce que soutient Maxime-Antoine Tremblay, médecin-infectiologue au CHU de Québec – Université Laval et chargé d'enseignement clinique à la Faculté de médecine de l'Université Laval, à la lumière d'une étude qu'il a publiée plus tôt cette année dans l'American Journal of Infection Control.
Les infections nosocomiales (contractées en milieu hospitalier) constituent un problème sérieux, notamment parce qu'elles touchent des personnes déjà affaiblies par la maladie. Aux États-Unis seulement, on estime qu'il y aurait 1,7 million de cas par année, dont 100 000 se solderaient par le décès du patient. Une meilleure hygiène des mains par le personnel soignant permettrait de prévenir une partie des infections nosocomiales.
«Au Québec, les campagnes de sensibilisation menées dans les hôpitaux ont permis des progrès considérables au cours des dernières décennies. Par contre, depuis quelques années, l'observance des règles plafonne. Elle fluctue entre 40% et 80% selon les centres hospitaliers» rapporte Maxime-Antoine Tremblay,
À l'heure actuelle, ce sont des observateurs qui quantifient la performance des membres du personnel soignant en matière d'hygiène des mains en les regardant travailler pendant quelques minutes. En théorie, un soignant devrait se désinfecter les mains avant d'avoir un contact avec un patient et après ce contact, rappelle le médecin-infectiologue.
«Les observateurs essaient de se faire discrets, mais l'effet Hawthorne – une personne qui se sent observée modifie son comportement – peut affecter la validité des données, dit-il. De plus, cette méthode exige beaucoup de temps et les performances sont présentées pour l'ensemble d'une unité ou de l'hôpital, et non individuellement.»
Maxime-Antoine Tremblay et d'autres chercheurs dirigés par Yves Longtin, de l'Université McGill, ont mené un projet pilote pour évaluer l'efficacité d'un système automatisé d'observance des règles d'hygiène des mains par les infirmières assignées à 10 chambres d'un hôpital montréalais. Ce système enregistrait le nombre d'entrées et de sorties dans chaque chambre ainsi que le nombre de fois où le distributeur automatique de désinfectant ou de savon, qui se trouvait à l'entrée de la chambre ou dans celle-ci, était actionné. En recoupant les données enregistrées par le système avec le calendrier d'assignation des infirmières, les chercheurs ont pu chiffrer l'observance relative de chaque infirmière.
Les données récoltées sur une période de trois mois montrent qu'il y a eu 135 546 entrées et sorties dans les chambres incluses dans l'étude. Les distributeurs de désinfectant et de savon n'ont été actionnés que dans 28% des cas. «C'est beaucoup moins que la performance de 72% rapportée pour cet hôpital à partir de l'approche conventionnelle», constate Maxime-Antoine Tremblay.
La différence s'explique en partie par des raisons méthodologiques, reconnaît-il. Les infirmières ne sont pas les seules personnes à circuler dans les chambres et parfois leur présence dans la chambre ne nécessite pas de contact avec les patients. Par contre, parmi tout le personnel soignant, ce sont les infirmières qui ont le plus de contacts avec les patients. Les données produites par le système automatisé reflètent donc probablement la performance relative de chaque infirmière à long terme, soutient-il.
«Les performances individuelles étaient très variables, souligne Maxime-Antoine Tremblay. Environ 15% des infirmières respectaient beaucoup les règles, alors que 16% les respectaient peu. Ces informations pourraient servir de base pour une rétroaction visant à renforcer les comportements souhaitables ou à améliorer l'observance des règles d'hygiène des mains lorsque les données suggèrent qu'il y a des lacunes.»
Selon Maxime-Antoine Tremblay, le moment est venu d'explorer les approches qui ciblent les performances individuelles du personnel soignant. «La rétroaction à l'échelle de l'unité ou de l'hôpital ne semble plus avoir d'effet sur les comportements individuels d'hygiène des mains. Un système automatisé implanté dans une perspective de rétroaction positive devrait être bien accepté par le personnel soignant parce que son objectif n'est pas de sanctionner, mais d'améliorer les soins aux malades.»