L'une des maladies les plus fréquentes dans les piscicultures du Québec pourrait être combattue efficacement à l'aide de virus. C'est ce que démontrent des chercheurs de l'Université Laval dans une étude publiée par la revue Virus Research.
«Ce traitement pourrait être un game changer pour les pisciculteurs du Québec», estime le responsable de l'étude, Steve Charette, professeur au Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique de l'Université Laval.
La maladie en question, la furonculose, est causée par la bactérie Aeromonas salmonicida sous-espèce salmonicida, qui entraîne une infection généralisée chez les truites, les ombles et les saumons. «Cette maladie est rare en nature, mais les fortes densités de poissons qu'on retrouve en pisciculture favorisent sa propagation. Un épisode de furonculose peut décimer jusqu'à 90% des jeunes truites d'un élevage», souligne le professeur Charette.
Présentement, les pisciculteurs ont recours à des vaccins ou à des antibiotiques pour lutter contre la furonculose. «L'administration de ces traitements pose des défis sur le plan logistique, commente le chercheur. De plus, le recours intensif aux antibiotiques accroît les risques d'apparition de souches de bactéries résistantes au traitement.»
Depuis 2014, l'équipe du professeur Charette tente de trouver des ennemis naturels de la bactérie dans le but de les utiliser pour prévenir ou pour contenir les éclosions de furonculose. En 2017, ces chercheurs ont mis la main sur quatre virus – des bactériophages ou phages – qui parviennent à contrer une partie des souches de A. salmonicida sp. salmonicida qui sévissent au Québec. Malheureusement, les deux tiers des souches québécoises de furonculose sont résistantes à un cocktail contenant ces quatre virus.
«Ces souches contiennent le génome d'un autre phage, le Prophage 3, qui s'est intégré au génome de la bactérie. Nous ignorons encore pourquoi, mais la présence de ce prophage empêche nos phages d'infecter la bactérie qui cause la furonculose. Le Québec et les Maritimes sont les seules régions du monde où on trouve des souches de la bactérie contenant le Prophage 3», signale le professeur Charette.
Les chercheurs ont repris leur bâton de pèlerin et ils se sont mis à la recherche d'un bactériophage capable de contourner la défense érigée par le Prophage 3. «Une membre de mon équipe, la doctorante Nava Hosseini, a analysé le mucus de truites atteintes de furonculose provenant d'une région du Québec que nous n'avions pas encore étudiée, explique le professeur Charette. C'est ainsi que nous avons mis la main sur le phage MQM1 qui parvient à infecter des souches de la bactérie qui contiennent le Prophage 3.»
Des expériences effectuées en laboratoire ont montré que MQM1 est efficace contre 87% des souches de la bactérie contenant le Prophage 3. «En l'ajoutant au cocktail que nous avons développé, on obtient une efficacité qui dépasse 90%. Ce traitement serait un atout majeur dans le jeu des pisciculteurs aux prises avec la furonculose», commente le chercheur.
La prochaine étape consistera à tester ce cocktail sur des truites dans les installations du Laboratoire aquatique de recherche en sciences environnementales et médicales, situé sur le campus de l'Université Laval. «Par la suite, nous allons tester le cocktail en conditions réelles de terrain dans des piscicultures. Si les résultats sont concluants, nous envisageons de produire et de distribuer le traitement aux pisciculteurs québécois qui souhaitent l'utiliser», précise le professeur Charette.
Les signataires de l'étude parue dans Virus Research sont Nava Hosseini, Valérie Paquet, Pierre-Étienne Marcoux, Charles-Antoine Alain, Maude Paquet, Sylvain Moineau et Steve Charette. Ils sont rattachés à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval.