Même si la toux est l'un des principaux motifs de consultation médicale au Canada, les professionnels de la santé connaissent mal les lignes directrices concernant la prise en charge de ce problème, ils traitent souvent la toux par essai et erreur, et ils dirigent trop rarement les cas réfractaires vers des spécialistes de la toux. Voilà les conclusions auxquelles arrive une équipe de chercheurs canadiens au terme d'une enquête dont les résultats ont été publiés dans le Canadian Journal of Respiratory, Critical Care, and Sleep Medicine.
«On peut faire mieux et on doit faire mieux», estime le responsable de l'étude, Louis-Philippe Boulet, pneumologue et chercheur au Centre de recherche de l'Institut universitaire en cardiologie et pneumologie de Québec-Université Laval (IUCPQ-Université Laval). «La toux est souvent considérée, à tort, comme un problème bénin, alors qu'elle peut affecter la qualité de vie des personnes pendant des années et qu'elle peut être révélatrice de maladies sous-jacentes graves», poursuit-il.
Le professeur Boulet et ses collaborateurs ont mené une enquête auprès de médecins, d'infirmières, d'inhalothérapeutes et de pharmaciens appelés à traiter des patients souffrant de la toux. Les participants devaient répondre à 35 questions à choix multiple portant sur les causes, le diagnostic, le suivi et le traitement de la toux. Au total, 43 omnipraticiens, 27 médecins spécialistes et 178 autres professionnels de la santé ont participé à l'enquête.
L'analyse de leurs réponses indique que les lignes directrices servant à orienter la prise en charge des patients souffrant de la toux sont connues par seulement 14% des médecins de famille, 52% des médecins spécialistes et 27% des autres professionnels de la santé.
«Les réponses des participants suggèrent qu'ils passent peu de temps à chercher la cause de la toux. Ils traitent les patients de façon empirique en leur prescrivant le médicament qui leur semble le plus approprié, ils observent ensuite la réponse du patient et ils ajustent le traitement par essai et erreur, constate le professeur Boulet. La toux peut avoir une ou plusieurs causes et il est important de bien les cerner avant d'entreprendre des traitements, à plus forte raison si ces traitements impliquent la prise de médicaments sur une longue période.»
L'enquête a aussi révélé que les médecins n'ont pas tous le réflexe de recommander les cas réfractaires à des spécialistes de la toux. «Environ 50% des médecins de famille et 60% des médecins spécialistes ne réfèrent pas les patients qui ont une toux rebelle à des ressources spécialisées. Ils laissent porter en espérant que le temps arrange les choses. Pourtant, les cliniques multidisciplinaires spécialisées dans le traitement de la toux obtiennent des taux de succès élevés et il vaut la peine d'y référer les patients qui ont une toux rebelle», fait valoir le professeur Boulet.
Un groupe de spécialistes de la toux, dont fait partie Louis-Philippe Boulet, envisage différentes actions pour tenter de mieux faire connaître aux professionnels de la santé du Canada les lignes directrices portant sur la prise en charge de la toux. L'une de ces actions est une formation en ligne sur la toux destinée aux professionnels de la santé. Cette formation, présentement en préparation, est créée par l'équipe de la Chaire de transfert de connaissances, éducation et prévention en santé respiratoire et cardiovasculaire-Université Laval et elle sera offerte sous peu sur la Plateforme de transfert de connaissances cœur-poumon-métabolisme.
Les signataires de l'étude publiée dans le Canadian Journal of Respiratory, Critical Care, and Sleep Medicine sont Louis-Philippe Boulet, Marie-Ève Boulay, Laurent Lecours, Andréanne Côté et Pierre-Alexis Lépine, de l'IUCPQ-Université Laval, Alan Kaplan, Myriam Gagné et Samir Gupta, de l'Université de Toronto, Jean Bourbeau, de l'Université McGill, Emily Horvat, de Respiplus, Stephen Field, de l'Université de Calgary, et Imran Satia, de l'Université McMaster.