17 mai 2023
S'adapter ou non aux inondations, une question de croyances
Les inondations augmentent en fréquence et en sévérité. Une équipe multidisciplinaire de l'Université Laval a donc étudié les croyances sous-jacentes à l'adoption de comportements d'adaptation à ces catastrophes naturelles.
Avec les inondations qui augmentent en fréquence et en sévérité, une équipe multidisciplinaire de l'Université Laval a étudié les croyances sous-jacentes à l'adoption de comportements d'adaptation individuelle à ces catastrophes naturelles. Les résultats de l'étude peuvent ainsi contribuer à élaborer des messages efficaces destinés à la population.
L'équipe s'est intéressée aux motivations et aux barrières qui favorisent ou freinent les citoyennes et citoyens dans leur adaptation, en collaboration avec l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Parmi les comportements d'adaptation étudiés, on retrouve la surélévation des fondations, le remplacement d'un revêtement comme du tapis par de la céramique, ou l'installation d'un clapet antiretour.
«Il faut développer des messages pour changer les croyances des gens, mais c'est difficile. Même si les gens savent que ne rien faire peut être négatif, ils ne passent pas de l'intention à l'action», souligne Pierre Valois, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation et directeur de l'Observatoire québécois de l'adaptation aux changements climatiques, qui a dirigé l'étude.
Des messages bâtis selon les croyances
Les interventions de santé publique seraient plus efficaces si elles étaient conçues pour renforcer les croyances positives et contrer les croyances négatives. Trois types de croyances peuvent motiver les individus à s'adapter et à se préparer aux inondations.
Le premier type concerne les croyances comportementales qui pèsent les avantages et les inconvénients à se protéger. «Est-ce que ça peut conserver la valeur de ma maison? Est-ce que ça va m'aider à garder ma santé physique et mentale? Ce type de bénéfices était associé à une attitude positive face à l'adaptation», explique Johann Jacob, professionnel de recherche à la Faculté des sciences de l'éducation, premier auteur de l'article.
Les croyances normatives, elles, se basent sur les perceptions d'un individu face à ce que des référents importants, comme la famille, les voisins ou les gens qui ont vécu des inondations, pensent qu'il devrait faire pour se protéger. «Des messages de sensibilisation du public présentant des témoignages de personnes qui sont passés par ce type de catastrophe, ou des interventions de voisins, de membres de la famille et d'amis pourraient favoriser l'adaptation», rapporte Johann Jacob.
Un soutien social faisait également partie des éléments motivateurs. «L'idée d'avoir une communauté ou des intervenants qui accompagne les individus dans leur adaptation pourrait être une bonne piste», ajoute-t-il.
Le troisième type de croyances est lié aux barrières. Celles-ci regroupent autant des contraintes monétaires, physiques, ou réglementaires. Pour Johann Jacob, un constat particulièrement intéressant est ressorti de cette croyance: l'argent n'était pas le principal facteur.
«Les efforts et la complexité de l'adaptation jouaient un rôle important dans l'adoption ou non d'un comportement. Dans les messages, c'est donc important de rendre moins complexe le fait de s'adapter et de démystifier les actions», précise le professionnel de recherche.
Selon le professeur Valois, rendre les informations plus conviviales pourrait diminuer la complexité des actions, pour les cartes de régions inondables et les guides sur la marche à suivre avant, pendant et après une inondation, par exemple.
Une approche multidisciplinaire
Pour identifier les croyances, l'équipe a réalisé un sondage auprès de 763 propriétaires de résidence près de zones inondables. La force de l'approche réside dans l'interdisciplinarité des chercheuses et chercheurs, affiliés à la Faculté des sciences de l'éducation, à la Faculté de médecine, à la Faculté des sciences et de génie et à la Faculté d'aménagement, d'architecture, d'art et de design.
«C'est important que ce soit multidisciplinaire. On ne peut pas avoir tous les expertises et les angles d'attaque pour l'analyse. On s'assure toujours d'avoir des experts qui viennent de différents milieux», souligne Pierre Valois.
Ces différentes perspectives aident tant à la conception d'un sondage complet qu'à l'interprétation des données.
L'étude a été publiée dans la revue scientifique Journal of Flood Risk Management. Les signataires sont Johann Jacob, Pierre Valois, Maxime Tessier, Denis Talbot, François Anctil, Geneviève Cloutier et Jean-Sébastien Renaud. Cette étude a été financée par le Fonds d'électrification et de changements climatiques du gouvernement du Québec.