Deux équipes de l'Université Laval s'attaquent à des microorganismes qui menacent la santé humaine et la santé des environnements aquatiques. Grâce à des subventions provenant de Génome Canada et de Génome Québec, ces équipes mettront au point des outils plus rapides et plus précis pour dépister les espèces fongiques pathogènes ainsi que les cyanobactéries (algues bleues) qui produisent des toxines dangereuses pour la santé humaine.
Efflorescences d'algues bleues
Les professeurs Roger Levesque, de la Faculté de médecine et de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS) de l'Université Laval, et Jérôme Comte, de l'INRS, ont reçu une subvention de 5,4 M$ pour mettre au point, d'ici la fin de 2025, un test rapide permettant de détecter la présence de cyanobactéries productrices de toxines néfastes aux humains.
Les cyanobactéries sont partout dans l'environnement, mais seulement 20% des espèces de ce groupe produisent des toxines dangereuses pour la santé humaine. Afin de pouvoir les reconnaître, les chercheurs séquenceront des cyanobactéries contenues dans des milliers d'échantillons d'eau prélevés au Québec.
Cet exercice permettra de construire une base de données génomiques qui pourra être consultée en ligne. «Un technicien pourra prélever un échantillon d'eau dans un lac et le placer dans un appareil portatif de séquençage branché à un ordinateur portable relié à notre base de données. Il saura rapidement quelles sont les espèces de cyanobactéries présentes et si elles posent un danger», explique Roger Levesque.
«Notre test permettra de réaliser des économies substantielles de temps et d'argent, souligne le chercheur. Présentement, confirmer la présence de cyanobactéries productrices de toxines dans un échantillon d'eau exige environ 5 jours, et la facture s'élève à près de 500$. Notre test devrait fournir une réponse en moins de 5 heures et on vise un coût de moins de 35$ par échantillon.»
L'outil conçu par les professeurs Levesque et Comte sera utilisé par le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Il devrait faciliter le travail de ce ministère qui a déployé un réseau de surveillance couvrant 700 lacs et 260 rivières. «Lorsqu'une efflorescence de cyanobactéries dangereuses surviendra, le ministère pourra informer la population beaucoup plus rapidement que maintenant», fait valoir le professeur Levesque.
Prescrire plus rapidement le bon antifongique
Chez les personnes en bonne santé, les infections causées par les champignons sont généralement bénignes. Chez les personnes immunosupprimées, le portrait est bien différent: une simple mycose peut avoir des répercussions graves, voire mortelles. Pour ces malades, le temps qu'il faut pour identifier le champignon responsable de l'infection et pour choisir un médicament antifongique efficace est crucial.
«Présentement, il faut compter deux semaines ou même plus pour franchir toutes les étapes menant à la sélection d'un antifongique adéquat, signale Christian Landry, professeur à la Faculté des sciences et de génie de l'Université Laval et chercheur à l'IBIS et au regroupement PROTEO. Et il arrive que ces démarches se soldent par un échec parce qu'on n'arrive pas à cultiver le champignon en laboratoire. Il faut alors prescrire un antifongique à l'aveugle, en espérant que le champignon ne soit pas résistant à ce médicament.»
Grâce à la subvention de 3,36 M$ qu'il a décrochée, le professeur Landry construira une base de données génomiques qui permettra d'identifier plus rapidement et plus précisément l'espèce fongique responsable d'une infection. Elle permettra aussi de s'assurer que cette espèce n'est pas résistante à l'antifongique envisagé pour soigner le malade.
«Pour y arriver, nous créons, à l'aide de l'outil d'édition génomique CRISPR-Cas, des variants d'une protéine impliquée dans la résistance. Ces variants se distinguent les uns des autres par un seul acide aminé, explique-t-il. Nous les insérons ensuite dans la levure de boulanger et nous déterminons lesquels sont résistants à un antifongique donné. La base de données qui résultera de nos travaux pourra guider les cliniciens dans le choix de l'antifongique qu'il faut prescrire.»
Si tout se déroule comme prévu, les outils créés par l'équipe du professeur Landry pourront être utilisés d'ici le début de l'année 2027. Le Laboratoire de santé publique du Québec est le principal partenaire du projet. L'Agence de la santé publique du Canada et Santé publique Ontario y collaborent également.