
André Darveau, Sophie D'Amours et Cathia Bergeron lors de la conférence de presse.
Après deux rendez-vous manqués, la ronde de négociations qui s'amorce est cruciale pour les quelque 23 000 étudiantes et étudiants ayant au moins un cours affecté par la grève, dont 6700 sont en voie d'obtenir leur diplôme à la fin de la présente session. La direction de l'Université Laval estime avoir fait plusieurs compromis dans le but de trouver des voies de passage. Elle lance maintenant un appel au Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université Laval (SPUL) et l'invite à en faire autant, car il est grand temps d'en arriver à une entente.
La grève a des impacts sur les étudiantes et les étudiants. Ceci est un enjeu prioritaire. «Nous avons une responsabilité partagée envers les membres de la communauté étudiante pour leur permettre de terminer leur formation, lance la rectrice Sophie D'Amours. Jusqu'à maintenant, nous avons l'impression de nous buter à des demandes syndicales non négociables. Si tel est le cas, à quoi servent les négociations?», se questionne-t-elle. «Discutons ensemble pour trouver des solutions», ajoute-t-elle.
Mme D'Amours souhaite que la pause d'une semaine des pourparlers, à la demande du conciliateur, aura permis au SPUL de réfléchir à des avenues permettant de trouver un terrain d'entente. «Pour l'avenir de notre communauté universitaire, nous avons une obligation de résultat», insiste-t-elle, tout en se disant confiante qu'un règlement rapide est toujours à portée de main et en exprimant son désir de retrouver ses collègues.
À l'occasion d'une conférence de presse tenue ce matin à l'Université Laval, la direction a expliqué plus en détail les trois enjeux qui demeurent en suspens et sur lesquels les discussions doivent se poursuivre rondement.
Libre choix des modes d'enseignement
Le SPUL soulève un enjeu de liberté académique, mais, dans les faits, il s'agit d'un différend sur la détermination des modalités d'enseignement (à distance, en présentiel, hybride, etc.).
Comme d'autres universités, l'Université Laval juge que le choix du mode d'enseignement ne peut faire l'objet d'une décision individuelle. Dans le contexte où un cours contribue à l'atteinte des objectifs d'un programme de formation, une proposition de modifier le mode d'enseignement d'un cours devrait faire l'objet d'une discussion devant le comité de programme.
Une professeure ou un professeur préside ce comité. Le comité compte deux membres du corps professoral, deux membres de la communauté étudiante inscrits au programme et une personne chargée de cours.
«Nous croyons que cette façon de faire permet une analyse par les parties prenantes et assure une meilleure cohérence des modalités d'enseignement à l'échelle des programmes, estime la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, Cathia Bergeron. C'est une démarche très collégiale et transparente, qui devrait répondre aux attentes du syndicat et des membres du corps professoral», ajoute-t-elle.
Rémunération
Le SPUL réclame toujours une hausse salariale de 20% dès juin 2023, un pourcentage qui atteint près de 30% en juin 2026.
Bien que la direction souhaite améliorer les conditions salariales des membres du SPUL, elle a déjà expliqué qu'il est impossible de répondre favorablement à cette demande parce qu'elle ne respecte pas la capacité de payer de l'Université Laval. L'institution doit respecter son cadre budgétaire et agir de façon responsable avec les fonds publics qui lui sont octroyés. Malgré cela, le SPUL ne déroge pas de sa demande initiale et a rejeté chaque offre salariale.
«Nous avons toujours négocié de bonne foi la hausse salariale des membres du SPUL. Il n'y a aucun bas de laine caché. Les chiffres présentés au syndicat sont vérifiés et véridiques. À l'Université de Sherbrooke, on a récemment conclu une entente, incluant une hausse salariale de 12,5% sur quatre ans. J'ai la conviction que nous pouvons, à notre tour, réussir à trouver un terrain d'entente si le SPUL fait un bout de chemin», croit André Darveau, vice-recteur exécutif et vice-recteur aux ressources humaines et aux finances.
«Par ailleurs, l'augmentation du financement consenti aux universités québécoises à la suite du dépôt du budget cette semaine est de 3% pour 2023-2024. C'est la marge de manœuvre que nous avons pour faire face aux augmentations de salaire, à l'accroissement des coûts de système et à l'inflation», ajoute M. Darveau.
Plancher d'emploi
Le président du SPUL a récemment répété que la demande d'embauche de 100 professeures et professeurs supplémentaires était non négociable. Une déclaration malheureuse qui ne laisse aucune place aux pourparlers que la direction s'engage à poursuivre.
«Le syndicat répète que le nombre d'étudiantes et étudiants est en hausse et que nous sommes la 6e université canadienne en recherche. C'est vrai et c'est une grande fierté, affirme la rectrice Sophie D'Amours. Il faut savoir que les efforts soutenus de l'ensemble de la communauté universitaire ont créé une «poussée de croissance», notamment en recherche. L'Université Laval ne s'oppose pas à la demande d'ajuster le plancher d'emploi. Seulement, cette hausse doit se faire graduellement, le temps de recruter les meilleurs talents, notamment pour combler certains départs à la retraite», assure-t-elle.
La direction a tenu à rassurer les étudiantes et les étudiants qui sont affectés par la grève. «Nous comprenons le stress et les questions que la situation engendre. Nous avons un plan de continuité pour réduire au minimum les effets négatifs du conflit sur le parcours scolaire», rassure Mme Bergeron. Elle rappelle que plusieurs canaux de communication demeurent ouverts pour bien informer les étudiantes et les étudiants, principalement la section Web Info-grève, qui fournit des informations factuelles et donne accès à une foire aux questions évolutive.

Les journalistes ont eu l’occasion de poser leurs questions à la direction de l’Université Laval lors de la conférence de presse du 24 mars 2023.
Chronologie et quelques faits saillants
- Les négociations ont commencé en septembre 2022, comme le prévoyait la lettre d'entente sur la reconduction jusqu'au 1er décembre 2022 de la convention collective des membres du SPUL.
- Le 20 janvier 2023, après seulement 8 rencontres, le SPUL a demandé un mandat de grève.
- La direction a déposé une demande de conciliation au ministère du Travail, afin de soutenir les parties et de faciliter les rapprochements nécessaires à la conclusion d'une entente.
- Le 20 février, le SPUL a exercé son mandat de grève de deux semaines. Les membres étaient de retour au travail pendant la semaine de lecture.
- Au début mars, la direction a expliqué publiquement que la hausse salariale de 20% réclamée dès juin 2023 – près de 30% en juin 2026 – dépassait la capacité de payer de l'Université Laval.
- Le 12 mars, la direction a déposé une 2e offre salariale, qui a été refusée par la partie syndicale.
- Le 13 mars, le SPUL a déclenché une grève générale, malgré le fait que plus de 85% des aspects normatifs avaient été négociés à ce moment-là.
- Les négociations achoppent actuellement sur trois enjeux: les salaires, le plancher d'emploi et la liberté académique.
- Le 17 mars, le conciliateur a ajourné les négociations pendant une semaine, le temps que les parties réfléchissent, chacune de son côté, à des voies de passage pour trouver un accord.
- Le 22 mars, le conciliateur a avancé une hypothèse de règlement que le SPUL a rejetée.
- À ce jour, 36 rencontres ont eu lieu, dont 28 en présence du conciliateur.