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D'un côté, des milliards de tonnes de résidus miniers dont les industries minières ne savent que faire. De l'autre, des entreprises, municipalités et ministères qui ont besoin de matériaux granulaires pour construire des routes et autres infrastructures de transport. N'y aurait-il pas moyen que le problème de l'un devienne la solution de l'autre? La professionnelle de recherche Pauline Segui, du Département de génie civil et de génie des eaux de l'Université Laval et du Centre d'études nordiques, croit que oui. Dans un article publié récemment par la revue Minerals, la docteure en génie civil et d'autres chercheurs du Québec et du Maroc font le tour de la question.
«La construction d'autoroutes requiert environ 30 000 tonnes de matériaux granulaires par kilomètre. Pour les assises d'un train à haute vitesse, il en faut plus de 9 tonnes par mètre de voie ferrée, rappelle Pauline Segui. Présentement, ces matériaux granulaires proviennent de carrières. Les roches qui s'y trouvent doivent être extraites, concassées et tamisées pour obtenir des matériaux granulaires de différentes tailles destinés à des usages définis. Si on utilisait les résidus miniers, on réduirait la nécessité d'ouvrir de nouvelles carrières et on s'épargnerait les étapes d'extraction et de concassage. De leur côté, les minières pourraient retirer des revenus de la vente de ces matériaux granulaires tout en réglant une partie des problèmes que pose leur entreposage.»
Au Québec seulement, l'industrie minière produit environ 100 millions de tonnes de résidus chaque année, soit 20 fois plus que tous les déchets domestiques générés par l'ensemble de la population. Ces résidus sont stockés sur des terrains entourés de digues qui doivent faire l'objet de surveillance à long terme pour éviter que les eaux de ruissellement transportent leurs éléments vers les cours d'eau avoisinants. «Les amoncellements de résidus miniers sont souvent laissés à l'abandon lorsque les entreprises cessent leurs activités, signale Pauline Segui. Ces sites doivent alors être pris en charge par les autorités gouvernementales, aux frais des contribuables.»
Les études qui ont testé l'efficacité des résidus miniers comme matériau de construction de route sont arrivées à des conclusions encourageantes, ont constaté les auteurs de l'étude parue dans Minerals. «Lorsqu'on choisit judicieusement les résidus miniers utilisés, c'est une solution de remplacement intéressante. Les coûts de transport doivent cependant être pris en compte, prévient Pauline Segui. Il faut donc que les parcs à résidus miniers soient situés à une distance raisonnable de l'endroit où les routes sont construites. Chaque projet pour lequel on peut utiliser ces résidus réduit d'autant le volume de matériaux granulaires qui doit être prélevé dans la nature.»
— Pauline Segui, sur l'une des causes du retard à utiliser les résidus miniers en construction routière
L'idée de faire un usage des résidus miniers en construction routière semble tellement bonne qu'on se demande pourquoi elle n'est pas déjà mise en application. «La raison d'être de l'industrie minière est d'exploiter les ressources minérales, pas de construire des routes, rappelle Pauline Segui. Les minières ne parlent pas spontanément au monde de la construction routière. Les gouvernements pourraient forcer leur rapprochement en obligeant les minières à mettre leurs résidus à la disposition des municipalités, des ministères et des entreprises pour la construction de routes, et en taxant davantage les sites d'entreposage des résidus miniers. Tout le monde y gagnerait.»