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Même si le génome humain est complètement séquencé, la génétique humaine est encore loin d'avoir livré tous ses secrets. Ainsi, on comprend encore imparfaitement pourquoi certaines personnes porteuses d'une mutation délétère ne développeront jamais la maladie qui y est associée. Un exemple: chez 10 femmes qui ont une mutation dans le gène BRCA1, 8 auront un cancer du sein au cours de leur vie et 2 y échapperont.
«La présence d'une mutation dans un gène qui code pour une protéine ne raconte qu'une partie de l'histoire. Il faut aussi considérer les gènes qui influencent le nombre de copies de cette protéine mutée dans la cellule», souligne Angel Cisneros, doctorant en biochimie à la Faculté des sciences et de génie et à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval.
L'étudiant-chercheur fait partie d'une équipe qui vient de signer, dans la revue Science Advances, une étude qui rappelle l'importance de considérer simultanément ces deux facteurs. Pour en faire la démonstration, les chercheurs n'ont pas attendu que des mutations apparaissent par hasard dans le génome de leur modèle d'étude, la bactérie E. coli. « Nous avons créé une collection de variants de E. coli qui se distinguent par un seul nucléotide dans la séquence du gène qui code pour une protéine essentielle à sa croissance. Nous avons ainsi créé les quelque 4600 variants possibles au niveau de l'ADN», précise Angel Cisneros.
Par la suite, les chercheurs ont fait appel à des techniques de biologie moléculaire pour générer 5 niveaux d'expression de cette protéine, allant de faible à très élevé. «Cela nous permet d'étudier à la fois l'effet de la mutation dans un gène qui code pour une protéine essentielle et l'effet d'un changement dans le nombre de copies de cette protéine sur la survie et la croissance de la bactérie», explique le doctorant.
Résultat? «Nous avons découvert que plus du tiers des mutations qui ont une incidence sur la fonction de la protéine dépendent de la quantité de protéines présentes, résume-t-il. Dans certains cas, il y a un effet de compensation. Par exemple, si une mutation dans un gène réduit de moitié l'activité de la protéine correspondante, cette diminution peut être compensée si deux fois plus de copies de la protéine mutée sont produites.»
— Angel Cisneros
Bien que cette étude soit de nature fondamentale et qu'elle ait été réalisée chez une bactérie, ses conclusions pourraient un jour avoir des retombées en santé humaine, croit Angel Cisneros. «Le fait que plusieurs maladies associées à des mutations s'expriment différemment d'une personne à l'autre pourrait être le résultat de l'effet combiné d'une mutation qui affecte la structure d'une protéine et d'une mutation dans les gènes qui modulent le nombre de copies produites. Ces interactions peuvent faire la différence entre avoir ou non la maladie.»