Nouvelle année, nouvelles résolutions. Cette fois, c'est vrai, vous allez vous remettre en forme. Si votre plan est d'y arriver en faisant de la course à pied, il y a de fortes chances que le programme que vous allez trouver sur Internet ou qui vous sera proposé par un entraîneur ou par un ami vous avise que, pour éviter les blessures, il ne faut pas augmenter votre volume d'entraînement de plus de 10 % chaque semaine. Cette règle, largement répandue dans le milieu de la course, a-t-elle un fondement scientifique? Non, ont constaté des chercheurs de l'Université Laval et leurs partenaires après avoir passé en revue des études consacrées aux blessures en course à pied.
Les chercheurs ont analysé 36 articles scientifiques portant sur un total de 23 047 coureurs, dont 26 % avaient rapporté une blessure liée à l'entraînement. L'incidence de ces blessures était de 15 % chez les débutants, de 26 % chez les coureurs récréatifs et de 63 % chez les coureurs qui participaient à des compétitions. Ces blessures touchaient surtout le genou (26 %), le pied ou la cheville (24 %) ou la jambe (24 %).
L'analyse de ce large échantillon n'a pas permis d'établir de lien clair entre l'apparition d'une blessure et la distance hebdomadaire parcourue, la durée, la fréquence ou l'intensité des entraînements, pas plus qu'avec des changements récents dans les paramètres d'entraînement.
Pourtant, intuitivement, il semble que chacun de ces facteurs pourrait être lié au risque de blessure en course à pied. «On aimerait bien qu'il y ait une réponse simple qui permette de déterminer à quoi sont dues ces blessures, mais la réalité est complexe», commente l'un des auteurs de l'étude, le professeur Jean-Sébastien Roy, du Département de réadaptation de l'Université Laval et du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale.
«Si aucun facteur ne se dégage, c'est que les blessures ont des causes multiples et que les coureurs ne sont pas identiques, poursuit-il. Certains coureurs ne sont jamais blessés, alors que d'autres, qui suivent des programmes d'entraînement similaires, se blessent à répétition. La biomécanique de course, le stress, le manque de sommeil, l'alimentation et la capacité d'adaptation du corps sont autant de facteurs qui pourraient expliquer les différences entre coureurs, mais qui sont rarement mesurés dans des études scientifiques.»
Comme la règle du 10 % de progression n'est pas appuyée par des données probantes, il serait mal avisé d'en faire une recommandation, estime le professeur Roy. «Les coureurs débutants peuvent tout de même l'utiliser pour se guider, mais elle ne les met pas à l'abri des blessures», insiste-t-il.
Par quoi remplacer cette règle alors? «Il faut être à l'écoute de son corps et adapter la progression de son entraînement en fonction des signaux qu'il nous lance, répond le chercheur. Si on ressent de la fatigue ou des tensions musculosquelettiques, il faut réduire l'intensité, la durée ou la distance des séances qui sont au programme de la semaine, voire annuler certains entraînements. Par la suite, il faut résister à la tentation de reprendre les séances perdues en augmentant le volume d'entraînement. Il faut aussi apprendre à connaître ses limites et à ne pas les outrepasser en tentant de nous ajuster au rythme de partenaires d'entraînement qui sont plus forts que nous.»
Cette étude a fait l'objet d'une publication dans le Journal of Athletic Training. Les signataires en sont Anny Fredette, Jean-Sébastien Roy, Kadija Perreault et Frédérique Dupuis, de l'Université Laval, Christopher Napier, de l'Université de la Colombie-Britannique, et Jean-François Esculier, diplômé au doctorat de l'Université Laval et responsable de la recherche et du développement à la Clinique du coureur.