
Pauline Pic
Pauline Pic, 33 ans, se promène entre Québec, Ottawa, Vancouver et le monde. Ses travaux de recherche portent sur la gouvernance des communs, ces espaces au-delà de la juridiction nationale qui sont gérés par la communauté internationale. Les fonds marins, par exemple, contiennent des ressources importantes pour la transition énergétique, ce qui entraîne un jeu de pouvoir sur ces territoires. Mais il faut aussi les protéger, parce qu'ils ont un rôle crucial dans la chaîne alimentaire et l'équilibre des océans. Voilà le type d'enjeu auquel s'intéresse la stagiaire postdoctorale. Elle fait partie des quelque 200 étudiants de l'École supérieure d'études internationales (ESEI) de l'Université Laval.
Quel est votre parcours jusqu'à l'ESEI et comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la politique de l'espace et des communs?
Je suis Française, donc j'ai commencé mes études universitaires en France. J'ai fait une licence d'histoire géographie à l'Université Jean-Moulin-Lyon-III. Puis un échange à l'Université Jawaharlal Nehru, à New Delhi, en Inde, m'a donné le goût de me tourner plutôt vers les affaires contemporaines et les relations de pouvoir sur les territoires. J'ai donc fait une maîtrise en géographie et en géopolitique de la mondialisation à l'Université Paris-Sorbonne.
Ensuite, pendant ma préparation à un concours pour enseigner – puisqu'en France il faut passer un concours pour intégrer l'éducation nationale –, il y avait une question sur la géographie des mers et des océans et une sous-question sur l'océan Arctique en changement. Ça m'a complètement passionnée! C'est ce qui m'a donné envie de poursuivre au doctorat.
Dans mes recherches sur l'Arctique, j'ai découvert les travaux de Frédéric Lasserre, professeur au Département de géographie et aussi membre de l'ESEI. Je l'ai contacté pour faire ma thèse et il a accepté de m'encadrer. C'est pour ça que je suis venue à l'Université Laval.
Après avoir terminé ma thèse, en avril 2022, j'ai obtenu une bourse postdoctorale Marcel-et-Annie-Adams. Je travaille maintenant à l'ESEI avec mon superviseur Jean-Frédéric Morin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale, sur un projet de gouvernance des communs.
Pour l'instant, ces espaces sont un peu régulés par le droit international, mais pas tellement. À mon avis, ce sont des enjeux qui sont appelés à devenir vraiment importants. Toute la question de la gestion des fonds marins, et notamment de l'exploitation minière, c'est une préoccupation qui a été évoquée à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP 27, en novembre.
À quoi ressemble le quotidien d'une stagiaire au postdoctorat à l'ESEI?
Ce qui est intéressant, c'est que c'est assez varié. L'ESEI permet de toucher à différentes disciplines et il n'y a pas de quotidien type, justement. Récemment, j'étais à Vancouver pour rencontrer des chercheurs qui travaillent sur des sujets similaires aux miens. La semaine d'avant, j'étais à la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes, à Ottawa. De plus en plus, aujourd'hui, on se rend compte de la nécessité que les politiques publiques soient basées sur la science et des données probantes, c'est vraiment quelque chose qui me tient à cœur.
Il y a aussi eu le colloque de l'ESEI. Et, normalement, j'irai à une conférence en Norvège, en janvier, pour faire une présentation sur la délimitation des plateaux continentaux. Il y a plusieurs pays qui ont demandé d'étendre leur zone de souveraineté dans l'océan Arctique central et certaines de ces zones se chevauchent. Tout l'enjeu est de voir comment ils vont négocier entre eux pour bien fixer la limite sans que ça devienne un conflit.
En mars, j'irai à Vienne. Il y a donc pas mal d'occasions pour discuter avec des collègues. Quand on est une jeune chercheuse, c'est particulièrement pertinent, parce que c'est le moment de nouer tous ces contacts en vue de pouvoir trouver un poste.

À l'exception de quelques visites sur le terrain, les travaux de recherche de Pauline Pic consistent plutôt à interviewer des responsables politiques.
La recherche se fait et s'écrit beaucoup en anglais. Était-ce important pour vous d'être rattachée à une université francophone?
Oui! En tant que jeune chercheuse, j'ai l'impression qu'il faut beaucoup publier en anglais, parce que c'est ce qui est valorisé quand on cherche un travail. Moi, j'ai toujours eu à cœur de publier aussi en français. La science doit être accessible dans toutes les langues, pas seulement dans les articles de vulgarisation, mais aussi dans les articles scientifiques. Par exemple, avec deux collègues, on a organisé un colloque sur l'Arctique en français hébergé par Sciences Po Paris et on a coordonné un numéro spécial dans la revue Études internationales de l'ESEI, aussi exclusivement en français. Deux expériences intéressantes.