27 octobre 2022
Des vestiges d'une barrière de glace découverts dans la baie de Baffin
La disparition de cette barrière, dont la superficie a atteint plus de 300 fois celle de l'île de Montréal, aurait contribué à la montée rapide du niveau de la mer survenue il y a 14 500 ans
Si le passé est garant de l'avenir, la disparition des barrières de glace qui bordent l'ouest de l'Antarctique pourrait conduire à une élévation substantielle du niveau de la mer. En effet, une équipe internationale de chercheurs a découvert qu'un événement analogue était survenu il y a 14 500 ans dans la baie de Baffin, et cette disparition aurait contribué à la hausse marquée du niveau marin survenue dans les siècles subséquents.
Les détails de cette étude, à laquelle ont contribué le postdoctorant Pierre-Olivier Couette et le professeur Patrick Lajeunesse, du Département de géographie de l'Université Laval, viennent de paraître dans la revue Communications Earth & Environment.
«L'Antarctique est recouvert d'un glacier qui repose sur un substrat rocheux, rappelle le professeur Lajeunesse. Du côté ouest du continent, la base du glacier se situe sous le niveau de la mer, mais le glacier est protégé de l'eau salée par des barrières de glace flottante qui agissent comme remparts. Certaines de ces barrières se sont fragmentées au cours des dernières années et leur disparition pourrait accélérer l'écoulement du glacier vers la mer, ce qui pourrait entraîner une hausse du niveau marin et, conséquemment, une accentuation de l'écoulement du glacier.»
Afin de mieux comprendre la dynamique entre la fonte des barrières de glace et l'écoulement des glaciers, Pierre-Olivier Couette, Patrick Lajeunesse et leurs collaborateurs se sont tournés vers l'Arctique. «Des travaux que nous avions effectués dans la baie de Baffin avaient révélé la présence d'indices suggérant qu'une barrière de glace aurait pu s'y trouver lors de la dernière glaciation», explique Pierre-Olivier Couette.
Des données récoltées à l'aide d'appareils installés à bord d'un navire de recherche ont permis aux chercheurs de découvrir la présence d'une crête de sédiments rocheux d'une dizaine de mètres de haut par quelques centaines de mètres de large, s'étendant sur plusieurs dizaines de kilomètres. «Nous croyons que ce matériel provient du glacier et qu'il se serait accumulé à cet endroit en raison de la présence d'une barrière de glace qui est demeurée stable pendant la période allant de 25 000 ans à 16 500 ans avant aujourd'hui. La crête correspond au point de contact entre la marge de la barrière de glace et le fond marin», résume le postdoctorant.
Selon les calculs des chercheurs, cette barrière aurait atteint, à son apogée, une superficie de 150 000 km2 (l'équivalent de 317 fois celle de l'île de Montréal) et une épaisseur de 500 mètres. Le réchauffement du climat, qui s'est amorcé il y a 16 500 ans, aurait conduit à sa disparition deux millénaires plus tard, perturbant les trois grandes calottes de glace qui bordaient la baie de Baffin. «C'est l'un des éléments qui aurait contribué à la hausse de 20 mètres en 500 ans du niveau marin enregistrée à cette époque», souligne Pierre-Olivier Couette.
La disparition des barrières de glace de l'Antarctique pourrait-elle avoir un effet comparable? «Il y a moins de glaciers aujourd'hui qu'il y en avait il y a 15 000 ans, de sorte que la hausse du niveau de la mer pourrait être moindre, répond le chercheur. Par contre, à l'époque, l'occupation humaine des côtes n'avait rien de comparable avec ce qu'elle est aujourd'hui. Si le niveau actuel de la mer augmentait de quelques mètres, les répercussions sur nos sociétés seraient énormes.»
L'étude publiée dans Communications Earth & Environment est signée par Pierre-Olivier Couette et Patrick Lajeunesse, du Département de géographie de l'Université Laval, Jean-François Ghienne, de l'Université de Strasbourg, Boris Dorschel et Catalina Gebhardt, de l'Institut Alfred-Wegener, Dierk Hebbeln, de l'Université de Brême, et Étienne Brouard, de la Commission géologique du Canada.