Les étudiants Étienne Gélinas, Antoine Michel et Maurane Paradis sont tous trois inscrits à la maîtrise en sciences de l’architecture à l’Université Laval. Le professeur Samuel Bernier-Lavigne, quant à lui, enseigne à l’École d’architecture où il dirige le xFab, la filière de recherche-création expérimentale liée au FabLab de l’École. Mettant en commun leurs idées et leurs talents dans un esprit égalitaire, étudiants et professeur ont imaginé un projet d’habitation audacieux et original qui vient de remporter le deuxième prix, sur un total de 189 propositions, à un concours international, Off the Grid – 2022. Cette compétition était organisée par la plateforme d’architecture et de design Archiol – Artuminate.
Le projet de l’Université Laval s’intitulait, en français, Rock Of Ages, vivre dans 37 mètres carrés de béton après l’Anthropocène.
Rock of Ages est le nom d’une carrière de granite blanc désaffectée située au Vermont, aux États-Unis. L’Anthropocène est une proposition qui désigne l’ère géologique actuelle, laquelle est caractérisée par l’influence considérable de l’humain sur la géologie et les écosystèmes.
«J’admets que la référence à l’après-Anthropocène est un peu forte, indique le professeur Bernier-Lavigne. Cette image sert à faire réagir. Quel serait le potentiel de cette carrière désaffectée dans l’avenir? Ces lieux industriels ont tellement marqué notre passé et ils semblent tranquillement s’effacer. Notre projet propose donc une vision futuriste ayant pour but de ramener la vie à ces endroits.»
L’objectif principal du concours consistait à explorer les possibilités d’un espace de vie qui soit à la fois limité dans sa superficie et durable dans son environnement, en plus d’être déconnecté des réseaux d’alimentation électrique et en eau potable.
Selon Étienne Gélinas, la notion de limite architecturale a été au cœur des réflexions de l’équipe. «Nous nous sommes demandé comment éclater cette notion, explique-t-il, en d’autres mots comment utiliser l’espace extérieur de la maison comme partie essentielle au projet. Mes collègues et moi sommes des fervents de l’architecture japonaise, qui est caractérisée par l’exploration de la limite, et qui consiste à brouiller la limite entre l’intérieur et l’extérieur.»
Écologie et robotique sur un site presque lunaire
Le projet consiste à prendre tous les déchets de granite présents sur le sol de la carrière, à les broyer sur place et à les transformer, également sur place, en une pâte qui se rapproche d’une sorte de béton. Cette pâte est ensuite acheminée à un bras robotique qui imprime en trois dimensions les différentes sections du projet de maison. Enfin, une grue géante, seul vestige de la carrière d’autrefois, déplace ensuite les sections à l’endroit désigné pour l’assemblage l’une sur l’autre des parties de l’habitation.
«Habituellement, souligne Samuel Bernier-Lavigne, une imprimante 3D permet de produire à petite échelle des prototypes et des maquettes. On voit cependant quelques projets à grande échelle émerger de par le monde.»
La proposition de l’Université Laval, soutient-il, s’intègre de façon complète et écologique dans un site qui ne servait plus. «Le paysage de notre projet, dit-il, est presque lunaire. En même temps, il a une force, avec une très importante présence matérielle. Le volet écologique, pour nous, consiste à utiliser tous les rebuts présents. La pâte est propulsée par pression dans le bras robotique, lequel est le seul élément de construction amené sur le site. Le très grand avantage avec l’impression 3D robotisée est qu’on peut fabriquer à peu près n’importe quoi à partir du modèle 3D avec lequel on programme le robot. La grue, qui servait à déplacer les gros blocs de granite, déplace maintenant les éléments 3D. On voulait la dispersion des fonctions principales de l’habitation pour ramener un peu de vie dans ce paysage abandonné.»
«Ramener un peu de vie» à cet endroit passe par l’aménagement de bassins, pour la rétention d’eau de pluie nécessaire à l’alimentation en eau, de jardins, d’un mur végétal et d’espaces de détente. Les concepteurs ont imaginé une salle de bain alimentée en eau par la gravité à partir des bassins de rétention.
Les trois étudiants sont membres du xFab où ils se penchent sur les questions d’architecture numérique. Cette année, ils ont notamment travaillé sur le béton et l’impression 3D. Cet automne, le professeur Bernier-Lavigne a démarré un atelier de maîtrise sur la question du devenir des lieux de culte liés à l’impression 3D recourant au béton.