Une trentaine de personnes ont bravé les intempéries en matinée, le 20 septembre, pour assister au chantier d'une maison préfabriquée dans le quartier Roc-Pointe, à Saint-Nicolas. À 10h28, la grue a soulevé un premier module par ses connecteurs, un dispositif à l'étude pour améliorer l'assemblage de ce type de construction. Une dizaine de minutes plus tard, il prenait place sur la fondation. Trois autres modules allaient ainsi s’emboîter et fournir d'importantes données de recherche.
Ce «projet expérimental à échelle réelle» est la dernière étape de la thèse de Laurence Picard, doctorante en génie mécanique. Sous la supervision des professeurs André Bégin-Drolet, du Département de génie mécanique, et Pierre Blanchet, du Département des sciences du bois et de la forêt, elle a imaginé et conçu un connecteur autoverrouillant composé d'une partie mâle, installée au plafond de chaque module, et d'une partie femelle, qui se retrouve entre les poutrelles de plancher du même module. Une fois que deux modules sont l'un sur l'autre et la connexion terminée, un mécanisme de verrous est automatiquement enclenché.
Quatre fois plus vite
«Les avantages d'un connecteur comme ça, c'est d'avoir un niveau de finition plus élevé. Tout ce que l'on fait en usine est moins cher que sur le chantier, il y a moins de pertes», expose Pierre Blanchet, en ajoutant que le connecteur pourrait permettre d'édifier quatre fois plus vite des bâtiments modulaires.
Des «réponses à nos questions»
Verdict de l'exercice? «La connexion n'a pas été 100% complétée, faute peut-être d'un jeu dimensionnel vertical légèrement trop serré, mais c'est exactement ce pourquoi on fait l'expérimentation d'aujourd'hui, pour aller chercher des réponses à ces questions-là», a indiqué Laurence Picard sur le terrain.
La mauvaise météo a-t-elle influencé l'opération? «Légèrement, oui, parce qu'on a un taux d'humidité, aujourd'hui, qui est très élevé. C'est un taux fréquemment observé au Québec, donc ce n'est pas anormal, mais ça peut avoir joué un petit peu. Le bois se gorge d'eau et ses dimensions augmentent. Le problème qu'on a rencontré, c'est une interférence au niveau du bois. Donc peut-être que le bois gorgé d'eau a nui à la connexion.»
Par ailleurs, le poids des modules supérieurs a permis, un peu plus tard, de déclencher les connexions de fondation. Quant aux connecteurs des modules du deuxième étage, ils ont bien fonctionné à 75%.
«On pense que, possiblement, avec la baisse de l'humidité, éventuellement, le bois va reprendre sa forme initiale, rétrécir, et peut-être même que ça va mener à une connexion aujourd'hui, en fin de journée ou demain matin», suppose Laurence Picard en faisant le plein de données.
«Comme les modules ont été entreposés, ils sont fabriqués depuis juin; il y a eu des petits changements dimensionnels, poursuit Pierre Blanchet. L'exercice est très important et sert à ça, ajuster des choses pour que la solution finale soit optimale et qu'elle tienne compte de la réalité des chantiers de construction.»
Laurence Picard assure que cette maison étudiée sous toutes ses coutures sera terminée et corrigée au besoin si les connexions ne se font pas entièrement. «On va aller mettre d'autres types de liaisons verticales qui vont faire le travail.»
La doctorante souligne, par ailleurs, que plusieurs hypothèses ont été confirmées, comme le levage des modules par les connecteurs, une demande du milieu, ainsi que le positionnement, qui avait suscité des craintes, mais qui s'est déroulé comme prévu. Toutes ses observations lui permettront de rédiger deux articles scientifiques qui seront insérés dans sa thèse.
D’un à quatre étages
Le connecteur a été conçu pour des bâtiments d'un à quatre étages, ce que l'on construit le plus couramment au Québec, mentionne Pierre Blanchet. La cible de ce dispositif est le multilogement, indique pour sa part Stéphane Lessard, directeur corporatif chez Maisons Laprise et partenaire de ce projet. «On croit beaucoup à la préfabrication. Face à la rareté de main-d'œuvre, c'est plus facile d'automatiser une usine qu'automatiser un chantier. C'est vraiment l'avenir!»
Laurence Picard travaille d'ailleurs à un prochain projet expérimental dans ce créneau.
Des observateurs de l'international
Signe de l'intérêt pour cette recherche et ses applications, deux représentants d'une entreprise française spécialisée en connexion étaient sur place. La société ARaymond est en discussion avec l'équipe de recherche de l'Université Laval depuis plusieurs mois, sur une base régulière.
«La technologie a été brevetée par l'Université Laval et par la suite, j'ai participé à des conférences, à Ma thèse en 180 secondes et à des exercices de vulgarisation grand public, ce qui a attiré le regard de compagnies multinationales», explique Laurence Picard.