Benoît Payette est professionnel de recherche au Département de management de l’Université Laval. Les grandes lignes de sa thèse de doctorat font l’objet, cette semaine, d’une présentation dans le cadre du 89e Congrès de l’Acfas. Financée par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines obtenue par les professeurs Lise Chrétien, Luc Audebrand et Christophe Roux-Dufort, sa recherche doctorale dans le domaine des loisirs équestres portait sur la contribution de chevaux au bien-être et à l’équilibre de vie de participants dans le cadre d’activités ludiques d’apprentissage.
«Mon étude de cas a d’abord consisté à recruter 12 participants de la région de Québec, explique-t-il. Ceux-ci vivaient des enjeux d’équilibre de vie, soit d’avoir des restrictions temporelles en matière de loisirs, d’être en surtravail, et autres. Entre mars 2020 et juillet 2021, j’ai fait deux à trois entrevues avec chacun d’eux, pour un total de 27 entrevues individuelles. J’ai aussi consacré plus de 50 heures à les observer interagir avec les chevaux, lesquels étaient au nombre de cinq, tous de la région de Québec. Enfin, huit autres collaborateurs ont joint l’étude. C’étaient des experts en apprentissage expérientiel et en conciliation travail-vie personnelle, soit des enseignants et chercheurs universitaires et des équicoachs. Participants et collaborateurs ont coconstruit des ateliers d’équicoaching pouvant contribuer à l’équilibre de vie.»
L’objectif de ces ateliers consistait pour les participants à développer des habiletés, en particulier liées à la gestion de soi, la respiration, la gestion de la gestuelle émotionnelle et le stress.
Selon Benoît Payette, le but de l’interaction entre l’humain et le cheval est de faire advenir ce qui est signalé de manière non verbale. «Avec les chevaux, dit-il, il s’agit davantage de communication non verbale. Par une gestuelle, on communique son intention au cheval et l’on cherche à prévoir l’effet que l’on aura sur celui-ci. Il faut savoir que le cheval possède une capacité extraordinaire de faire une lecture corporelle et musculaire de l’humain avec qui il interagit.»
Sur une durée d’un an, les interviewés ont fait quatre séances de médiation équine de cinq heures chacune, pour un total de 20 heures. Le temps passé à interagir avec le cheval s’articulait autour de jeux au sol, d’une communication bipède-quadrupède et d’une meilleure connaissance de soi.
Au début, les techniques de brossage servent à établir une connexion mutuelle. Un niveau de difficulté supérieure consiste à faire faire différents exercices au cheval, comme le faire monter sur une palette de bois posée au sol, le faire se cabrer ou bien le faire se coucher.
Un être mystérieux
Le professionnel de recherche rappelle que cet animal capable d’empathie, et qui est un actif dans son environnement, reste un être mystérieux qui fait l’objet de recherches dans le domaine du comportement. En phase d’initiation, le corps du cheval apparaît comme indiscipliné et potentiellement dangereux. «Lors du premier contact, indique-t-il, c’est une affaire de gestion des dangers. Le participant doit comprendre que le cheval n’est pas un compagnon docile qui se laisse facilement approcher et caresser.» Les participants doivent également être conscients que les modules utilisés durant les interactions sont étranges aux yeux des chevaux. Ces objets risquent de poser des défis, l’animal pouvant refuser de coopérer.
«Dans cette étude exploratoire sur la médiation équine, explique Benoît Payette, certaines personnes s’intéressaient davantage à l’aspect loisir, à l’esprit de jeu, d’ouverture, de collaboration et de sociabilité. En bout de piste, la majorité des gens se disaient satisfaits d’avoir acquis des connaissances sur les chevaux. Ensuite, plusieurs discussions tournaient autour d’un «effet zoothérapeutique» vécu au contact des chevaux, soit un sentiment de calme et de bien-être. Quant aux collaborateurs qui avaient eux-mêmes une fonction de coach au travail, les ateliers étaient l’opportunité d’obtenir un point de comparaison pour leur propre champ de pratique.»
Selon lui, cette recherche doctorale a permis d’expérimenter de nouveaux modes de coexistence avec le vivant. «L’idée de ma thèse, souligne-t-il, était de décrire les loisirs comme des ensembles organisés de pratiques qui peuvent notamment se construire sur le terrain des chevaux. Ces animaux auront une fois de plus prouvé leur capacité d’être dans un état d’adéquation, d’articulation et d’agencement avec les autres.»