Malgré les progrès de la médecine, une partie des victimes de traumatismes graves meurent après leur hospitalisation. Dans une forte proportion des cas, le décès survient à la suite de la décision de débrancher les patients des appareils qui les maintenaient en vie. Une étude qui vient de paraître dans la revue Annals of Surgery démontre qu'il existe des différences substantielles entre les centres de traumatologie du Québec dans les ressources en soins déployées avant le décès de ces patients. «Cela suggère que la décision de débrancher les appareils dépend de critères qui ne sont pas uniformes d'un centre à l'autre», explique la responsable de l'étude, Lynne Moore, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
La professeure Moore et ses collaborateurs ont analysé les données portant sur les ressources déployées pour soigner 2044 patients décédés entre 2013 et 2016, à la suite d'un traumatisme grave, dans l'un des 57 centres de traumatologie du Québec. Dans la plupart des cas, les blessures avaient été causées par une chute ou par un accident de la route.
Dans ce groupe de patients, le décès est survenu soit dans les trois premiers jours suivant l'admission à l'hôpital (37%), entre le 3e et le 14e jour (37%) ou après le 14e jour (26%). Pour chacun des cas, les chercheurs ont estimé les coûts – excluant la rémunération des médecins – en interventions chirurgicales, examens et traitements de toutes sortes avant que le décès survienne.
Leurs calculs indiquent qu'il existe des différences de l'ordre de 6% à 8% dans les ressources que les hôpitaux investissent pour ces patients avant leur décès, même en tenant compte de la gravité des cas. Ces écarts étaient plus grands dans le groupe de patients de moins de 65 ans et chez les patients qui avaient subi un traumatisme craniocérébral.
«Dans ce dernier groupe, le pronostic est plus difficile à établir parce qu'il existe moins de données probantes sur l'évolution des cas. On comprend moins bien ce qui détermine le rétablissement du cerveau après un traumatisme grave. La conséquence est qu'il y a moins d'accord entre les centres sur le moment où on cesse les soins actifs à ces patients», souligne la professeure Moore.
Au Canada, environ 70% des gens qui meurent à l'hôpital des suites d'un traumatisme craniocérébral décèdent à la suite de la décision de procéder au débranchement des appareils qui les maintenaient en vie. Dans la moitié des cas, cette décision est prise dans les 72 premières heures qui suivent l'admission à l'hôpital. «Il nous semble que la décision survient rapidement, surtout si l'on tient compte de l'incertitude qui entoure le pronostic de ce type de blessures», souligne Lynne Moore.
Les recommandations qui entourent la décision de débrancher un patient semblent être interprétées différemment, selon les équipes soignantes de chaque hôpital. «Chacun fait de son mieux à la lumière de son expertise propre, estime la chercheuse. Toutefois, nous croyons qu'il serait utile de disposer de meilleurs outils pour établir les probabilités de rétablissement et la qualité de vie subséquente qu'il est possible d'espérer pour chaque patient qui se retrouve dans cette situation. Ces outils fourniraient à l'équipe soignante des informations lui permettant de mieux conseiller les proches du patient qui doivent prendre en son nom la difficile décision de poursuivre ou non les soins.»
L'étude parue dans Annals of Surgery est signée par Imen Farhat, Lynne Moore, Teegwendé Valérie Porgo, Coralie Assy, Amina Belcaid, Simon Berthelot, Henry Stelfox, Belinda Gabbe, François Lauzier, Julien Clément et Alexis Turgeon.