Une étude qui vient de paraître dans le Canadian Journal of Psychiatry rappelle que le cannabis et les médicaments psychoactifs ne font pas toujours bon ménage. En effet, des chercheurs de la Faculté de pharmacie et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et leurs collaborateurs montrent que les personnes autorisées à consommer du cannabis médical courent plus de risques d'intoxication par médicaments psychoactifs. De plus, elles sont plus susceptibles d'avoir des troubles mentaux ou comportementaux liés à l'utilisation de médicaments ou d'autres produits psychoactifs tels que l'alcool ou les drogues.
Les chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir évalué le risque d'admission aux urgences ou d'hospitalisation pour ce type de problèmes chez 18 653 personnes détenant une autorisation de consommer du cannabis médical en Ontario. Pendant le suivi d'environ 8 mois, le risque d'intoxication s'est révélé 2,5 fois plus élevé chez ces personnes que chez 51 243 personnes qui avaient un profil similaire, mais qui ne prenaient pas de cannabis médical. Quant au risque de troubles mentaux ou comportementaux, il était 2,3 fois plus élevé dans le groupe de personnes autorisées à prendre du cannabis que dans le groupe témoin.
«En général, les personnes qui demandent une prescription pour du cannabis médical souffrent de douleurs chroniques, de troubles neurologiques ou de troubles psychiatriques, rappelle le premier auteur de l'étude, Arsène Zongo. Il y a donc une probabilité élevée qu'elles utilisent déjà des médicaments psychoactifs comme des opioïdes, des anxiolytiques ou des antidépresseurs. Leur risque d'intoxication ou de troubles mentaux ou comportementaux s'en trouve augmenté, notamment en raison des interactions possibles entre ces produits et le cannabis», analyse-t-il.
L'étude n'établit pas de lien de causalité entre le cannabis médical et les problèmes d'intoxication ou les troubles comportementaux attribuables à des substances psychotropes. Toutefois, elle invite à la prudence. «Les médecins qui travaillent en première ligne devraient porter une attention particulière au profil des patients qui font une demande de prescription pour du cannabis médical, rappelle le professeur Zongo. Ils devraient notamment vérifier les antécédents d'intoxication par médicaments chez ces personnes ainsi que leur état de santé mentale.»
Rappelons que les études scientifiques rigoureuses sur l'efficacité et la sécurité du cannabis médical sont encore peu nombreuses et que leurs conclusions ne sont pas nettes. Malgré l'absence de données probantes, le nombre d'utilisateurs de cannabis médical au Canada est passé de 24 000 en juin 2015 à plus de 292 000 en 2021.
L’étude parue dans le Canadian Journal of Psychiatry est signée par Arsène Zongo et Jihane El-Mourad, de l'Université Laval, Cerina Lee, Jason Dyck, Elaine Hyshka et Dean Eurich, de l'Université de l'Alberta, et John Hanlon, de l'Université de Toronto.