Des chercheurs de l'Université Laval auraient découvert comment le SARS-CoV2 – un virus respiratoire – en vient à causer des problèmes neurologiques d'origine vasculaire chez au moins 30% des personnes hospitalisées en raison de la COVID-19. Le mécanisme qu'ils décrivent dans une étude que vient de publier la revue Neurobiology of Disease attribue un rôle clé à la protéine S du SARS-CoV-2, celle qui permet au virus de se lier aux cellules humaines.
L'équipe dirigée par le professeur Ayman ElAli, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, a découvert ce mécanisme en mettant la protéine S du virus en présence de cellules spécialisées du cerveau, les péricytes.
«Les péricytes sont des cellules qui entourent les petits vaisseaux sanguins du cerveau, explique le professeur ElAli. Elles jouent un rôle essentiel dans la régulation du débit sanguin cérébral grâce à leur potentiel contractile. De plus, elles assurent la stabilisation du réseau vasculaire et elles modulent la réponse inflammatoire. Des études récentes ont montré que les péricytes du cerveau expriment en abondance le récepteur membranaire ACE2 auquel se lie la protéine S du virus.»
Pour éclaircir la dynamique entre la protéine S du SARS-CoV-2 et les péricytes humains, les chercheurs ont réalisé une série de tests en laboratoire dans des conditions reproduisant ce qui survient lors d'une infection sévère à la COVID-19. «Ces conditions n'ont rien de commun avec celles d'une immunisation avec un vaccin à ARN qui encode la protéine S, insiste-t-il. Ces vaccins ne peuvent en aucun cas produire les effets que nous avons observés.»
Ils ont ainsi démontré qu'en présence de la protéine S:
L'expression du récepteur ACE2 augmente dans les péricytes, ce qui accroît le risque de liaison avec la protéine S.
Les péricytes subissent des transformations qui augmentent leur capacité contractile. «Lorsque les contractions des péricytes sont excessives, le débit sanguin peut diminuer au point où les tissus du cerveau peuvent être privés d'oxygène. C'est l'équivalent d'un petit accident vasculaire cérébral, sans qu'il y ait de caillot», précise le professeur ElAli.
Les péricytes ont une forte réponse inflammatoire et ils produisent eux-mêmes des molécules pro-inflammatoires qui pourraient aggraver l'inflammation.
De plus, les chercheurs ont observé que lorsque l'apport en oxygène est réduit, les effets de la protéine S sur les péricytes sont amplifiés. «C'est ce qui survient lors d'une infection sévère à la COVID-19, surtout chez les patients présentant des facteurs de risque vasculaire, notamment l'obésité, le diabète ou l'hypertension, souligne le professeur ElAli. Cela augmente le risque de microlésions pouvant conduire à des problèmes neurologiques.»
Des tests effectués sur des souris infectées par le SARS-CoV-2 ont confirmé les résultats obtenus lors des expériences avec les cultures cellulaires. Les chercheurs ont aussi montré que lorsque la protéine S est placée en abondance dans la cavité nasale de souris, elle peut se frayer un chemin jusqu'à leur cerveau. «Le virus pourrait utiliser la protéine S pour migrer entre les cellules, sans emprunter la circulation sanguine, en utilisant les récepteurs ACE2 comme amarres pour progresser», avance le chercheur.
«Ces résultats suggèrent que la protéine S pourrait, isolément, détachée du SARS-CoV-2, perturber les fonctions vasculaires et immunitaires des péricytes du cerveau, résume Ayman ElAli. Si le même mécanisme a cours chez l'humain, on pourrait prévenir ce type de problèmes en appliquant localement, sur la muqueuse nasale, des onguents contenant des molécules qui bloquent les récepteurs ACE2 ou encore des molécules qui se fixent à la protéine S et l'empêche de se lier aux récepteurs ACE2.»
L'étude parue dans Neurobiology of Disease est signée par des chercheurs du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et du Centre de recherche CERVO. Il s'agit de Rayan Khaddaj-Mallat, Natija Aldib, Maxime Bernard, Anne-Sophie Paquette, Aymeric Ferreira, Sarah Lecordier, Armen Saghatelyan, Louis Flamand et Ayman ElAli.