L'obésité entraîne des changements physiques bien visibles à l'œil nu, mais ses effets anatomiques ne s'arrêtent pas là. Une méta-analyse reposant sur des données obtenues grâce à des techniques sophistiquées d'imagerie médicale révèle que l'obésité est associée à des altérations d'une région du cerveau associée à la prise de décision et à la régulation des émotions. Les détails de cette étude, supervisée par Andréanne Michaud, de l'École de nutrition de l'Université Laval et du Centre de recherche de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, viennent de paraître dans la revue Neuroscience and Biobehavioral Reviews.
Les chercheurs ont utilisé des données tirées de 16 études regroupant 4453 participants pour déterminer s'il existait un lien entre différents indicateurs d'obésité et certaines caractéristiques de la matière blanche du cerveau. «La matière blanche est la partie du cerveau où se retrouvent les fibres nerveuses (la partie allongée des neurones) qui jouent un rôle essentiel dans la transmission du signal nerveux, explique la chercheuse. Sa coloration est due à la gaine de myéline, particulièrement riche en lipides, qui entoure les fibres nerveuses.»
Les analyses ont montré que les indicateurs d'obésité, principalement l'indice de masse corporelle, étaient associés à des altérations de la matière blanche dans une zone précise du cerveau appelée le corps calleux préfrontal droit. Les chercheurs ont refait les mêmes analyses avec des données provenant du Human Connectome Project. Cette fois, ils ont comparé des images de cerveau de personnes obèses (indice de masse corporelle plus grande que 35 kg/m2) à celles de personnes de poids normal. L'exercice a conduit aux mêmes conclusions.
Ces observations ne démontrent pas un lien de cause à effet entre l'obésité et les altérations physiques de cette zone du cerveau, reconnaît la professeure Michaud. Toutefois, d'autres travaux menés par son équipe ont révélé de nettes améliorations dans la densité de la matière blanche du cerveau chez les personnes très obèses qui ont perdu beaucoup de poids après une chirurgie bariatrique. «La réduction de poids et l'amélioration des indicateurs métaboliques qui s'ensuit atténueraient les processus inflammatoires liés à l'obésité qui pourraient causer des dommages aux fibres nerveuses», avance la chercheuse.
Fait intrigant, il n'y a pas que l'obésité qui soit associée à des altérations du corps calleux préfrontal droit. «D'autres études ont rapporté des altérations de cette zone du cerveau chez les gens qui souffrent de dépendance aux drogues. Ici encore, le contrôle de soi, la régulation des émotions, le système de récompense et la prise de décision sont affectés», observe la professeure Michaud.
Tout cela indique à quel point l'obésité est une véritable maladie, poursuit-elle. «Les interventions pour traiter l'obésité se sont longtemps limitées à la réduction de la prise alimentaire, avec des résultats souvent peu concluants à moyen ou à long terme. Nos travaux rappellent aux professionnels de la santé qu'il est important de tenir compte des dimensions neurocognitives et neurocomportementales dans leurs interventions.»
L'étude publiée dans Neuroscience and Biobehavioral Reviews est signée par Justine Daoust et Andréanne Michaud, de l'Université Laval, Joelle Schaffer, Yashar Zeighami et Alain Dagher, de l'Université McGill, et Isabel Garcia-Garcia, de l'Université de Barcelone.