
Un poisson-clown du Pacifique, à l'abri parmi les tentacules d'une anémone.
— q-phia
La plupart des poissons qui s'aventurent à proximité d'une anémone subissent le même sort. L'anémone les saisit à l'aide de ses tentacules, leur injecte un venin et les avale vivants. Étrangement, une vingtaine d'espèces de poisson-clown échappent à ce destin. Ces poissons circulent sans la moindre inquiétude à proximité des anémones, profitant des instincts chasseurs de leurs hôtes pour se mettre à l'abri de leurs propres prédateurs. En échange, les poissons-clowns fournissent, par leurs déjections, de précieux nutriments azotés aux anémones et ils s'occupent de l'entretien ménager des alentours. Le mécanisme qui permet cette cohabitation harmonieuse et bénéfique est un mystère, mais la mise en commun de leur microbiote respectif pourrait en être la clé, avance une équipe des chercheurs de l'Université Laval dans une étude publiée par la revue Microbiome.
Émie Audet-Gilbert, François-Étienne Sylvain, Sidki Bouslama et Nicolas Derome, du Département de biologie et de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval, en ont fait la démonstration, en laboratoire, en étudiant le cas du poisson-clown du Pacifique et de l'anémone magnifique. Les chercheurs ont suivi l'évolution de la composition du microbiote recouvrant l'épiderme des deux organismes pendant quatre semaines, sous les conditions expérimentales suivantes: lorsque le poisson et l'anémone étaient dans des bassins différents, sans possibilité de contact direct ou indirect, lorsqu'ils étaient dans le même bassin et qu'ils pouvaient avoir des contacts physiques, et lorsqu'ils étaient dans des bassins différents partageant un même circuit d'eau.
Cette vidéo, sous-titrée en anglais, présente des images illustrant la relation symbiotique entre les poissons-clowns et les anémones ainsi que les principaux résultats de l'étude menée par l'équipe de Nicolas Derome.
L'analyse des données montre que:
La convergence dans la composition du microbiote de chaque paire s'accroît avec le temps, qu'il y ait contact physique ou non.
Cette convergence apparaît sans qu'il y ait de contact physique direct, par l'entremise de l'eau.
Au terme de l'expérience, lorsque les poissons et les anémones sont séparés, la similarité de leur microbiote subsiste pendant deux semaines.
— Nicolas Derome
«La similarité de la signature chimique de l'épiderme ferait en sorte que l'anémone n'attaque pas les poissons-clowns, pas plus qu'elle ne s'attaque elle-même, résume Nicolas Derome. L'hypothèse du camouflage chimique avancée dans le passé pour expliquer pourquoi certains poissons-clowns ne sont pas attaqués par les anémones laissait supposer que les poissons étaient seuls responsables de cette acclimatation. Nos résultats suggèrent plutôt que chacun des partenaires fait un pas vers l'autre pour établir une acceptation mutuelle.»