
La couverture médiatique des groupes opposés aux mesures sanitaires occulte le fait que la majorité de la population respecte ces mesures depuis le début de la pandémie.
— Getty Images/Mihajlo Maricic
Vous voyez partout des récalcitrants et des négationnistes qui désobéissent aux mesures sanitaires? Méfiez-vous des apparences et du biais des médias pour ce qui sort de l'ordinaire: la majorité de la population québécoise respecte ces mesures depuis le début de la pandémie. C'est ce qui se dégage des données présentées par Eve Dubé lors du colloque «Perception des risques et des comportements de prévention dans le contexte de la COVID-19», qui s'est déroulé le 4 mai dans le cadre du 88e Congrès de l'Acfas.
La professeure au Département d'anthropologie, également chercheuse à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, a résumé les grandes tendances qui se dégagent des enquêtes menées par l'INSPQ depuis plus d'un an. Entre la fin mars et juillet 2020, des coups de sonde ont été menés quotidiennement sur le Web auprès de 1000 personnes. Depuis juillet jusqu'à maintenant, les enquêtes ont été réalisées chaque semaine auprès de 3300 personnes. «Les participants devaient notamment répondre à des questions portant sur leur adhésion aux mesures sanitaires, sur leur perception du risque de contracter la COVID-19 et sur leur niveau d'inquiétude face à l'idée de contracter ou de transmettre la maladie», précise Eve Dubé.
Voici les principaux constats de ces enquêtes:
Le pourcentage de répondants qui se croient à risque d'attraper la COVID-19 (40%) ou qui sont inquiets de la contracter ou de la transmettre (60%) est demeuré relativement stable depuis le début de la pandémie.
Les jeunes se sentent moins à risque de l'attraper, mais plus inquiets de la transmettre.
Le score d'adhésion à trois mesures sanitaires (toujours s'être lavé les mains, avoir respecté la distance de deux mètres entre les personnes et ne pas avoir participé à des rassemblements privés au cours de la dernière semaine) a fluctué dans le temps: 30% des répondants les suivaient toujours l'été dernier, 42% en octobre, 51% en janvier et 46% au cours des derniers mois.
Les courtes périodes d'embellie et le ton très sérieux des reportages dans les médias au retour des Fêtes se sont répercutés sur les scores d'adhésion.
La proportion de répondants qui demeurent motivés à respecter les consignes ne diminue pas dans le temps.
Même si 47% des personnes sondées ont reçu au moins une dose de vaccin, la perception d'être à risque d'attraper la COVID-19 et la peur d'attraper ou de transmettre la maladie n'ont pas connu de baisse marquée au cours des dernières semaines. «Probablement parce qu'il s'agit majoritairement de personnes de 50 ans ou plus, qui étaient celles ayant la perception de risques la plus élevée», précise la chercheuse.
— Eve Dubé
«La proportion de répondants qui disent respecter toujours ou souvent les mesures sanitaires est toujours majoritaire, constate Eve Dubé. Je ne dirais pas qu'il y a un problème d'adhésion aux mesures au Québec. Par contre, on observe une certaine forme d'adaptation des règles qui fait en sorte que même des gens soucieux de suivre les mesures sanitaires peuvent en venir à baisser la garde, entre autres au travail, lorsqu'on côtoie les mêmes personnes au quotidien.»
Pour éviter l'essoufflement de la population et favoriser le maintien de l'adhésion aux mesures sanitaires, la chercheuse estime qu'il faudrait se donner des objectifs communs, notamment des cibles de couverture vaccinale requise pour permettre des assouplissements aux mesures sanitaires.
— Eve Dubé
«De plus, on pourrait mieux expliquer les risques de transmission par des personnes asymptomatiques ou dans des lieux fermés et mal aérés ainsi que les façons de minimiser ces risques, plutôt que de simplement fermer ou ouvrir des lieux et des activités. Nous sommes tous humains, nous avons besoin de contacts avec les autres. L'approche par réduction des méfaits nous permettrait de favoriser des rapprochements sécuritaires.»