
Parmi les 215 produits non emballés analysés par les chercheurs, 36% contenaient des protéines de sésame.
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Si vous avez une allergie aux protéines de sésame, il faut prendre la mise en garde «peut contenir des graines de sésame» très au sérieux lorsqu'elle figure sur des pâtisseries moyen-orientales produites au Québec. Le même conseil vaut pour les autres aliments produits dans les mêmes installations que ces pâtisseries. C'est ce qui se dégage d'une étude qui vient d'être publiée dans Food Additives & Contaminants: Part A par une équipe de la Plateforme d'analyse des risques et d'excellence en réglementation des aliments de l'Université Laval.
Les chercheurs ont effectué des tests sur 571 échantillons de pâtisserie, confiture, épice, semoule, farine et aliment en conserve produits par sept entreprises alimentaires de la grande région de Montréal qui distribuent leurs produits au Québec. Les graines de sésame ne figuraient pas parmi les ingrédients ayant servi à la fabrication de ces produits. Par contre, comme des graines de sésame et leurs dérivés tels que le tahini et le halva étaient utilisés dans d'autres produits fabriqués par ces mêmes entreprises, il y avait possibilité de contamination par l'équipement.
L'équipe a démontré que cette contamination était très fréquente. Les analyses montrent que:
19% des échantillons examinés contenaient des protéines de sésame en concentrations suffisamment élevées pour poser des risques à la santé des consommateurs allergiques
35% des échantillons contenaient des traces de protéines de sésame
16% des 173 produits portant la mention «peut contenir des graines de sésame» sur leur emballage en contenaient
3% des 183 produits ne portant pas cette mention sur leur emballage contenaient des protéines de sésame
36% des 215 produits vendus sans emballage contenaient des protéines de sésame.
Au Canada, les allergies aux protéines de sésame touchent 0,3% des jeunes de 0 à 17 ans et 0,2% des adultes. Chez certains, la réaction est très forte, même si le produit consommé ne contient que des traces de protéines de sésame. Comme les plats moyen-orientaux gagnent en popularité, le risque d'exposition à cet allergène augmente, estiment les chercheurs. Depuis 2012, les graines de sésame font partie de la liste des allergènes alimentaires prioritaires au Canada. Leur présence doit obligatoirement figurer sur l'emballage lorsqu'ils font partie des ingrédients d'un produit.
Par contre, la mise en garde «peut contenir des graines de sésame», qui prévient le consommateur que le produit peut avoir été involontairement contaminé par des protéines de sésame, est laissée au jugement du fabricant. Au terme d'une analyse de ses procédés de production, si une entreprise estime que le risque est suffisamment élevé, elle peut ajouter cette mise en garde sur l'emballage de ses produits. Si cette mention est utilisée sans analyse préalable de risque, comme simple mesure de protection, elle perd son utilité pour les consommateurs allergiques, et l'offre alimentaire à leur disposition rétrécit d'autant.
— Joseph Touma
Selon le premier auteur de l'étude, Joseph Touma, doctorant à l'Université Laval et chercheur à l'Institut de recherche agronomique libanais, le risque de contamination aux graines de sésame et aux autres allergènes alimentaires pourrait être diminué en améliorant la conception des équipements et des locaux, les méthodes de nettoyage des installations et la formation des employés.
Par ailleurs, il estime qu'on gagnerait à clarifier les exigences entourant l'utilisation de la mise en garde «peut contenir…» et à mieux informer les consommateurs quant à sa signification. «Pour que la crédibilité de cette mise en garde ait une valeur comme outil de gestion du risque, il faut que le message qu'elle livre soit clair et qu'il reflète le risque réel que le produit contienne l'allergène en question. De plus, l'absence de mise en garde doit signifier qu'il n'y a pas de risque. D'où l'importance de l'évaluation quantitative des risques pour éclairer les décisions concernant l'étiquetage, la libération et le rappel de produits.»
Les auteurs de l'étude sont Joseph Touma, Sébastien La Vieille, Laurent Guillier, Virginie Barrere, Emily Manny, Jérémie Théolier, Silvia Dominguez et Samuel Benrejeb Godefroy. Ce dernier est professeur au Département des sciences des aliments, directeur de la Plateforme d'analyse des risques et d'excellence en réglementation des aliments et chercheur à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l'Université Laval.