Applications mobiles, bracelets électroniques, caméras thermiques, drones de surveillance, logiciels de reconnaissance faciale… Déterminés à enrayer la pandémie causée par le nouveau coronavirus, des pays déploient un arsenal de technologies, que ce soit pour recenser les cas de contamination, retracer les déplacements de personnes infectées ou s’assurer du respect de la quarantaine.
Impensables il y a quelques mois à peine, certains projets semblent relever d’un scénario de film de science-fiction. «Dans le cadre de la lutte contre la pandémie, une multitude d’initiatives technologiques prennent forme. Ces technologies peuvent être très utiles, mais elles posent des questions par rapport à des enjeux sociaux, éthiques et juridiques», affirme Lyse Langlois, directrice scientifique de l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique.
Cette organisation a reçu 200 000$ des Fonds de recherche du Québec pour former un comité de chercheurs chargé d’évaluer les effets des technologies dans la lutte contre la COVID-19. Ils sont une quinzaine, issus de diverses universités. Une fois par semaine, ils se réunissent virtuellement. Leur mandat: faire une veille des initiatives technologiques à travers le monde et contribuer à la réflexion sur les enjeux qu’elles soulèvent. Le tout donnera lieu à des recommandations destinées aux autorités publiques.
Le comité s’intéresse notamment aux technologies visant à prévenir la propagation du virus et à celles déployées par les organisations de la santé. Il scrute aussi ce qui se passe dans les milieux de l’éducation et du travail. Interdisciplinaire, le groupe comprend des chercheurs en sciences de la santé, en droit, en sociologie du travail, en philosophie, en éthique, en psychologie et en communication.
Spécialiste en éthique organisationnelle, Lyse Langlois sonne l’alerte à propos de certaines mesures. «En Asie, des systèmes sont installés pour prendre la température des employés de retour au travail. Cette banque de données médicales soulève des questions. Entre autres, les données appartiennent-elles à la compagnie pour laquelle la personne travaille? Par rapport aux bilans des personnes infectées, un quartier ayant de nombreux cas de contamination pourrait devenir moins attrayant. Les technologies amènent plusieurs enjeux sur les plans du consentement, de l’autonomie, de la discrimination et de la stigmatisation. Voilà ce qui ressort, selon moi, en termes de risque éthiques.»
En plus de faire un portrait de la situation et de formuler des recommandations, le comité compte apporter son expertise dans la mise au point de nouvelles technologies. «Pour nous, la technologie doit s’inscrire dans une visée d’innovation responsable, dit Lyse Langlois. Notre troisième axe d’intervention est d’accompagner les décideurs et les autres acteurs de la santé publique pour trouver des solutions afin de maximiser les impacts positifs et de minimiser les effets négatifs des technologies.»
Le comité est composé notamment de Colette Brin, Philippe Després, Pierre-Luc Déziel (Université Laval), Céline Castets-Renard (Université d’Ottawa), Jean-Louis Denis, Pascale Lehoux, Bryn William-Jones, Catherine Régis (Université de Montréal), Christian Lévesque (HEC Montréal), Nathalie de Marcellis-Warin (Polytechnique Montréal) et Daniel Weinstock (Université McGill).