«Il existe plus de 3 000 huiles essentielles et plusieurs d'entre elles possèdent une activité antimicrobienne», rappelle le responsable de l'étude, Daniel Grenier, professeur à la Faculté de médecine dentaire et chercheur au Groupe de recherche en écologie buccale et au Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole. Des travaux menés antérieurement par son équipe avaient d'ailleurs démontré l'efficacité de certaines huiles essentielles contre les bactéries buccales causant la mauvaise haleine chez l'humain. «Des collègues m'ont suggéré d'appliquer notre expertise sur les huiles essentielles au domaine de la santé animale», souligne le chercheur.
Daniel Grenier et ses collaborateurs ont donc testé, in vitro, des huiles essentielles de sapin baumier, de cannelle, de coriandre, de thé du Labrador, de menthe poivrée, de sauge, de marjolaine, de thym et de sarriette contre les principales bactéries causant des maladies respiratoires chez le porc. «Comme il s'agit de composés volatils, ça sentait très bon dans notre laboratoire, signale-t-il. On aurait pu croire qu'on tentait de développer de nouveaux parfums.»
Les chercheurs ont constaté que les huiles de cannelle, de thym et de sarriette sont les plus efficaces pour inhiber la croissance ou pour détruire ces bactéries ou les biofilms qu'elles forment. «C'est avec ces trois huiles qu'on obtient les meilleurs résultats à des doses relativement faibles. Les tests in vitro montrent que ces concentrations n'affectent pas la viabilité des cellules épithéliales de trachée du porc, ce qui suggère que le traitement serait bien toléré par les animaux», résume le professeur Grenier.
Reste à trouver la meilleure façon de faire passer les huiles essentielles du labo à la porcherie. «On envisage deux façons de les administrer aux porcs, poursuit le chercheur. Elles pourraient être intégrées à la moulée, ce qui permettrait un contact direct avec la partie commune des voies digestives et des voies respiratoires au moment de l'ingestion. L'autre possibilité consiste à diffuser les huiles essentielles dans l'air des porcheries.»
Le chercheur rappelle qu'il existe plusieurs raisons pour lesquelles il faut se préoccuper des bactéries qui causent des maladies respiratoires chez le porc. «C'est d'abord une question de bien-être animal. Si les premiers animaux malades ne sont pas mis en quarantaine et traités rapidement, certaines infections se propagent très rapidement et provoquer la mort de 25% des animaux d'un élevage en moins d'une semaine. Ces maladies peuvent donc causer des pertes financières importantes aux éleveurs. Enfin, certains pathogènes respiratoires du porc peuvent être transmis aux humains et les rendre malades. C'est le cas de Streptococcus suis, qui cause des méningites. De plus, comme les bactéries de différentes espèces s'échangent des gènes de résistance, certains pathogènes humains pourraient devenir résistants à des antibiotiques grâce à des gènes provenant de bactéries porcines. Grâce aux huiles essentielles, on pourrait réduire le recours aux antibiotiques chez le porc et diminuer le risque qu'un tel transfert de résistance se produise.»
Les auteurs de l'étude publiée dans Archives of Microbiology sont Genevière LeBel, Katy Vaillancourt, Philippe Bercier et Daniel Grenier.