
La robustesse des branches du sapin Fraser et la rétention prolongée de ses aiguilles sont des caractéristiques appréciées aux États-Unis et dans d'autres pays. Dans les plantations québécoises, cette espèce semble toutefois plus vulnérable aux cochenilles que le sapin baumier.
— Amy Rossetti
La présence de cette espèce a été signalée dans les forêts québécoises dès 1968, rappelle le chercheur responsable de l'étude, Conrad Cloutier. «On ne sait pas si elle avait échappé aux observateurs auparavant ou s'il y a eu une extension de son aire de répartition à cette époque. Cet insecte se retrouve en milieu naturel ailleurs au Canada de même qu'aux États-Unis, où il vit sur différentes espèces de conifères, sauf le thuya.»
Les aiguilles attaquées par la cochenille sont couvertes de petites taches blanches. Il s'agit d'un abri cireux sécrété par l'insecte lorsqu'il est au stade larvaire. La larve reste sous cet abri en permanence, fixée à l'aiguille dont elle extrait la sève. Quelques semaines plus tard, une fois l'âge adulte atteint, les mâles partent à la rencontre des femelles. De leur côté, les femelles restent sous leur abri et elles y pondent même leurs œufs, une trentaine en moyenne. Au printemps suivant, les œufs éclosent, les larves sortent de l'abri pour aller choisir le site où elles s'établissent. «Au Québec, il n'y a qu'une génération par année, mais dans certains États américains où la température est plus chaude, l'insecte a suffisamment de temps pour compléter deux cycles vitaux», précise le professeur Cloutier.
En nombre élevé, la cochenille cause suffisamment de blessures aux aiguilles pour provoquer le jaunissement de l'ensemble du feuillage et parfois même la mort des arbres. Nous n'en sommes pas là au Québec, démontrent les travaux des chercheurs de l'Université Laval. Leurs observations ont tout de même révélé la présence de l'insecte dans deux des dix plantations étudiées en Estrie.
Dans la plantation que les chercheurs ont étudiée en profondeur à Saint-Évariste-de-Forsyth, 21% des sapins Fraser abritaient des cochenilles. Cette essence est plus vulnérable à l'insecte que les sapins baumiers, constate le professeur Cloutier. «Dans l'ensemble, les dommages causés aux arbres de Noël par cet insecte sont encore limités au Québec. Par contre, certains pays refusent l'entrée d'arbres attaqués par les cochenilles, ce qui constitue un problème pour les producteurs québécois qui exportent vers ces marchés. De plus, des modèles que nous avons développés suggèrent que le réchauffement climatique favorisera l'augmentation des populations de cochenilles. Il est donc possible que cet insecte devienne un problème pour les producteurs dans un avenir prochain.»
Heureusement, les travaux des chercheurs ont également révélé la présence de deux ennemis naturels de la cochenille dans les plantations: une micrococcinelle qui mange les larves et un petit hyménoptère qui pond ses œufs dans les larves de la cochenille. «Des aménagements favorisant l'abondance et la survie de ces espèces permettraient de contrôler les populations de cochenilles tout en limitant le recours aux insecticides chimiques», fait valoir le professeur Cloutier.
L'étude réalisée par les chercheurs est parue dans The Canadian Entomologist. Elle est signée par Jean-Frédéric Guay, Amy Bernier-Desmarais, Jean-François Doherty et Conrad Cloutier.

Photo : Scot Nelson