
L'apnée du prématuré se manifeste par des arrêts respiratoires répétitifs et un pouls sous la normale. La sous-oxygénation du sang qui en résulte peut être néfaste pour les tissus en développement et engendrer des rétinopathies sévères et des troubles neurocognitifs. Le traitement consiste à régulariser la respiration du prématuré à l'aide de caféine.
La maturation des circuits neuronaux qui contrôlent les fonctions respiratoires se produit tardivement pendant la grossesse, ce qui explique pourquoi les problèmes respiratoires sont fréquents chez les prématurés. L'un de ces problèmes est l'apnée du prématuré, qui se caractérise par des arrêts respiratoires de plus de 20 secondes ou encore par des arrêts respiratoires de moins de 20 secondes accompagnés d'un pouls se situant sous les 80 battements à la minute. «Il peut en résulter une sous-oxygénation des tissus en développement menant à des rétinopathies sévères ou à des troubles neurocognitifs», rappelle Richard Kinkead, professeur à la Faculté de médecine et chercheur à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).
Le traitement de choix contre l'apnée du prématuré est l'administration de caféine par voie intraveineuse. «Cette molécule stimule les circuits neuronaux qui régularisent la respiration. Toutefois, elle n'agit pas sur la maturation de ces circuits, précise le professeur Kinkead. On l'administre pour atténuer les problèmes en attendant que le système respiratoire des enfants soit suffisamment développé. La durée du traitement est donc une indication du temps requis pour achever cette maturation.»
Jusqu'à présent, les études cliniques portant sur le traitement à la caféine n'ont pas tenu compte du sexe des enfants, même si les problèmes respiratoires sont plus fréquents chez les prématurés de sexe masculin et que la caféine est métabolisée plus rapidement par les filles. «Notre étude visait à déterminer si le sexe avait un effet sur la prévalence de l'apnée des prématurés et sur l'efficacité du traitement», résume le professeur Kinkead.
Le chercheur et ses collaborateurs ont étudié 24 387 enfants nés entre la 24e et la 34e semaine de grossesse et admis dans une unité néonatale de soins intensifs entre janvier 2011 et décembre 2015. Près de 14 000 de ces prématurés ont souffert d'apnée et 89% d'entre eux ont reçu de la caféine jusqu'à ce que leurs fonctions respiratoires soient normales. Les analyses des chercheurs montrent que la durée du traitement à la caféine était plus longue chez les garçons que chez les filles, surtout chez les enfants nés avant la 28e semaine de grossesse. Ainsi, chez les enfants nés après 24-25 semaines de grossesse, 75% des garçons devaient toujours recevoir de la caféine à 34 semaines d'âge gestationnel contre 69% des filles.
«Ces résultats suggèrent que la maturation du système respiratoire se produit plus lentement chez les garçons, souligne le professeur Kinkead. On soupçonne que les hormones sexuelles sont en cause, mais on ne connaît pas les mécanismes responsables de cette différence. Notre étude met en lumière l'importance de tenir compte du sexe des enfants dans les recherches sur l'apnée du prématuré. Il se pourrait, par exemple, que de nouveaux médicaments pour traiter l'apnée n'aient pas le même effet chez les garçons et chez les filles. Il faut documenter ces différences si on veut offrir le meilleur traitement possible à chaque enfant.»
L'étude publiée dans Experimental Physiology est le fruit d'une collaboration entre des chercheurs du Centre de recherche de l'IUCPQ, du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et de l'Université de Toronto. Les auteurs en sont Aida Bairam, Nathalie Laflamme, Christine Drolet, Bruno Piedboeuf, Prakesh S. Shah et Richard Kinkead. Elle a été réalisée avec le concours des membres du Canadian Neonatal Network.