
Les racines de ces jeunes plants de rhubarbe chinoise contiennent des molécules qui inhibent la croissance des bactéries associées aux maladies parodontales. La rhubarbe qui croît dans nos jardins synthétise elle aussi ces prometteuses molécules.
— Zahnradzacken
Entre 5 et 15% de la population est aux prises avec une maladie parodontale, un problème inflammatoire qui touche les tissus de soutien de la dent, rappelle le professeur Grenier. Ce désordre est lié à la présence de certaines bactéries buccales et à la réponse immunitaire débridée qu'elles provoquent. Présentement, les maladies parodontales sont traitées à l'aide d'antibiotiques, mais on redoute l'émergence de souches bactériennes résistantes.
C'est ce qui a donné l'idée à Daniel Grenier d'explorer de nouvelles avenues de traitement du côté de la médecine Kampo. Cette science traditionnelle japonaise repose principalement sur l'usage de mélanges savamment dosés de plusieurs espèces de plantes. «Les Kampos sont couramment prescrits par les médecins japonais, signale-t-il. On en dénombre environ 150 sur la liste des médicaments remboursables par le gouvernement.»
Les chercheurs ont testé l'effet de 27 Kampos sur une bactérie associée à une forme chronique de maladies parodontales, Porphyromonas gingivalis. Cette bactérie est au cœur du problème parce qu'elle produit des molécules facilitant l'adhérence des microorganismes aux muqueuses buccales. Sept des Kampos mis à l'essai sont parvenus à inhiber la croissance de P. gingivalis et à réduire son adhérence aux cellules épithéliales qui tapissent la bouche.
L'analyse du contenu de ces Kampos a révélé qu'ils ont un ingrédient en commun: la rhubarbe chinoise. Une nouvelle série de tests portant sur cette plante et sur certaines molécules qu'elle contient – des anthraquinones – ont confirmé l'hypothèse des chercheurs. «Utilisées seules, ces molécules équivalent à des antibiotiques d'efficacité moyenne, précise Daniel Grenier. Lorsqu'on les combine à un antibiotique, il y a un effet synergique qui permet de réduire par un facteur dix les doses de médicaments nécessaires pour inhiber la bactérie.»
Il suffirait de prendre le Kampo contenant les molécules de rhubarbe sous forme de tisane après un repas pour obtenir l'effet désiré. «La concentration serait assez élevée pour agir sur les bactéries. Il faudrait prendre soin de mettre le liquide en contact avec toutes les muqueuses de la bouche», précise le professeur Grenier. La démonstration de l'efficacité de ce traitement contre les maladies parodontales chez l'humain reste toutefois à faire, reconnaît-il.
Il est très difficile de se procurer des Kampos au Québec, a constaté le chercheur qui a heureusement pu compter sur ses collègues japonais pour l'approvisionner. Il existe pourtant chez nous une plante dont la racine est riche en anthraquinones et dont la production est si bonne qu'elle excède les besoins: la rhubarbe des jardins.
«Si quelqu'un veut pousser l'idée de mettre au point des produits naturels à base de racine de rhubarbe pour traiter les maladies parodontales, j'applaudis, dit Daniel Grenier. En tant que chercheur, mon travail consiste à faire avancer les connaissances. Tant mieux si nos travaux peuvent servir.»